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Sélection du blé

Une course à la performance sur un pas de temps de dix ans


Innovations et machinisme le 22/08/2014 à 18:14
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Les semenciers travaillent à grande échelle, en termes de temps nécessaire au processus de création variétale et de nombre de plantes testées pour arriver à leurs fins. Pourtant, ils évoquent une véritable course contre la montre pour sortir la variété qui passera toutes les étapes de la sélection, puis les tests de l’inscription, pour ensuite défier les lois du marché. Un parcours semé d’embûches insoupçonnées au regard du foisonnement de nouveautés chaque année.

Les rendements du blé ont plus que triplé en 50 ans, notamment grâce à la sélection, qui a limité le risque de verse par exemple. « Un fléau, selon Vilmorin. Les plantes se couchent au sol sous l’effet du vent ou de la pluie, abîmant les grains et rendant la récolte difficile. » En réponse, une des grandes révolutions de la sélection en blé en France a été, au début des années 70, la diminution de la hauteur des tiges par l’introduction d’un gène de nanisme, venu du blé asiatique. « Contrairement aux idées reçues, affirme Patrice Senellart, sélectionneur blé pour Syngenta, le progrès génétique s’exprime aussi dans les milieux défavorables et les variétés modernes sont toujours supérieures aux anciennes, même sans fertilisation ni traitement sanitaire. »

Le processus de sélection du blé se décompose en plusieurs étapes au cours desquelles de nombreux facteurs sont observés. A grande échelle, le sélectionneur regarde la morphologie de la plante, son adaptation au milieu, son développement, son comportement face aux maladies. A l’échelle de 1.000 individus, viennent s’ajouter les critères de qualité, la quantité et la qualité des protéines, les valeurs technologiques. Enfin, à l’échelle 100, sont également pris en compte le rendement et la stabilité des performances.

« Un schéma de sélection classique prend huit à dix ans, reprend le sélectionneur. Tout ce travail pour que chaque année, cinq ou six lignées soient déposées, et seulement une ou deux inscrites. Surtout qu’une fois inscrite, une variété peut être utilisée par n’importe quel obtenteur à des fins de sélection, sans contrepartie. Sachant qu’en plus, une variété a une durée de vie de cinq ou six ans, dix pour les meilleures, nous sommes lancés dans une course à la création variétale. »

Toute technique capable d’accélérer le schéma de sélection est donc fortement travaillée. Les cultures sous serre, notamment, permettent la culture de deux générations de plantes par an. Les chambres de croissance font aussi gagner du temps. Le schéma avec haplodiploïdisation prend sept ans grâce à la création de la première génération en laboratoire. Mais tous ces modèles ne sont pas exploitables pour toutes les lignées étant donné le coût nécessaire pour appliquer ces techniques.

Pour être commercialisée, une nouvelle variété doit avoir été préalablement inscrite au Catalogue officiel. La décision de l’inscription d’une nouvelle variété revient au ministère de l’Agriculture. Celui-ci s’appuie sur les avis du Ctps (Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées), avis émis sur la base d’études conduites par le Geves (Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences). Il s’agit des tests Dhs (Distinction, homogénéité, stabilité) et Vat (Valeur agronomique et technologique), qui deviennent cette année des tests Vate (E pour environnemental).

L’étude Dhs permet d’établir que la variété est distincte de celles déjà inscrites, homogène d’un individu à un autre, et stable, c’est-à-dire qu’elle garde ses caractéristiques phénotypiques de génération en génération. « Sur 2.000 plantes semées de la variété testée, explique Patrice Senellart, il faut moins de douze individus différents des autres. Une seconde tentative est permise si on en trouve entre 12 et 25. Au-delà de 25, le dossier est refusé immédiatement. »

Celle de Vat (valeur agronomique et technologique) dure deux ans. Elle compare les variétés candidates aux plus utilisées sur le marché, en termes de performance agronomique (rendement, adaptation aux conditions de milieu, résistance aux maladies et ravageurs, teneur en protéines) et qualité des produits qui en sont issus (transformation alimentaire et industrielle des produits issus de ces variétés).

Concernant le passage du test Vat au Vate pour le blé tendre, les expérimentations en conditions non traitées et traitées fongicides, ainsi que les expérimentations de résistance aux bioagresseurs sont maintenues. Mais une nouvelle dimension est prise en compte : l’efficience en azote. L’objectif du Geves sera de repérer les variétés qui absorbent l’azote et le valorisent au mieux en protéines dans le grain. En post-inscription, Arvalis cherchera le dosage optimal en azote pour chaque variété. « Les premiers résultats seront mentionnés dans les bilans d’essais 2014, mais seulement à titre informatif. Les cotations définitives seront disponibles pour la caractérisation des variétés à partir de la récolte 2015. »

Egalement dans le cadre de la Vate, un protocole d’inscription spécifique pour tester les variétés aux conditions de l’agriculture biologique a été mis au point. Les deux premières variétés de ce type en blé tendre, Hendrix et Skerzzo, ont ainsi été inscrites en liste A du Catalogue officiel, avec la mention « variétés adaptées aux conditions de l’agriculture biologique ».