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[En direct] 69ème congrès de la Fnsea

Manuel Valls a réussi son examen de passage face à des agriculteurs dépités


Politique et syndicats le 27/03/2015 à 00:12
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Les aides Pac de 2015 seront versées mi-décembre précédées d’un acompte. Le premier ministre a su apporter quelques réponses pragmatiques aux attentes des agriculteurs très remontés contre la mise en œuvre de la Pac. Mais il est resté en phase avec la politique conduite par son ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll.

Le 69ème congrès de la Fnsea s’est déroulé les 25 et 26 mars, à Saint-Etienne, à la veille d’une campagne de déclaration des aides Pac qui cristallise toutes les passions. La simplification de la Pac reste un vœu pieux ! A l’heure actuelle, les espoirs des agriculteurs reposent sur quelques aménagements de bon sens pour la rendre un peu plus simple à mettre en oeuvre.

« Les impasses sont nombreuses alors que les choix de déclinaison nationale de la nouvelle Pac ont été décidés il y a 18 mois », a déploré le président de la Fnsea, Xavier Beulin. « Les Maec (mesures agro-environnementales et climatiques) sont inaccessibles » et la « mise sous cloche » des haies, en les soumettant à la Bcae 7 » est « une incitation à les retourner ! ». Pour la Fnsea, les agriculteurs doivent avoir la possibilité de les entretenir et de les déplacer en fonction de l’évolution de leur exploitation.

Le Premier ministre, Manuel Valls, briefé par ses conseillers, a bien saisi dans quel état d’esprit s’est déroulé ce 69ème congrès de la Fnsea. Face à des hommes « de caractère », qualité qu’il apprécie, il a tenu un discours ferme et pragmatique en apportant quelques réponses aux attentes des agriculteurs tout en restant en phase avec la politique conduite par son ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. Celui-ci l’a accompagné à Saint-Etienne mais il n’était pas le bienvenu. Les agriculteurs en ont même fait leur bouc émissaire. Il est en grande partie responsable, selon eux, des difficultés rencontrées et des retards pris dans la mise en œuvre de la Pac. Ils ne sont pas seulement imputables à la Commission de Bruxelles.

Manuel Valls, « le premier Premier ministre de gauche » venu clore un congrès de la Fnsea, comme l’a mentionné Xavier Beulin, a réussi son examen de passage. Le discours tenu était le seul que les représentants du syndicat majoritaire, déroutés par les règles administratives et technocratiques imposées, étaient prêts à entendre. Comme quoi tout est d’abord question de pédagogie !

Le report de la déclaration des aides Pac (à rendre le 9 juin au plus tard) ne modifiera pas la date de leur règlement. Elles seront versées mi-décembre et un acompte serait même envisageable, a déclaré le premier ministre. Mais il s’est bien gardé de donner davantage de précisions.

Pour 2020, Manuel Valls a invité le syndicat majoritaire à réfléchir dès à présent aux orientations que la prochaine réforme de la Pac pourrait prendre. Il a réaffirmé son attachement à la politique agricole commune, certes très complexe mais qui a aussi changé la vie des agriculteurs, a rappelé le Premier ministre. Selon lui, les agriculteurs en place lui doivent la modernisation des exploitations de leurs parents mais aussi la libéralisation des échanges commerciaux et l’accroissement considérable de la production agricole. Les agriculteurs profitent aussi de l’abolition des tarifs douaniers entre les pays européens et de l’instauration de la monnaie unique.

A deux jours du second tour des élections cantonales, Manuel Valls s’inscrit ainsi en faux face aux discours populistes tenus, sans le nommer, par le Front national, hostile à la construction européenne et à la Pac.

Pour Xavier Beulin, il est temps « d’encourager les outils assurantiels, l’innovation et la modernisation de l’ensemble de la filière agricole ». En espérant que les priorités des régions seront plus judicieuses que les choix opérés pour 2015/2020. En revanche, le président de la Fnsea espère que les contrats socles présentés en mai dernier seront proposés dès la fin de l’année voire début 2016.

Selon le Premier ministre, il faut donner les moyens concrets aux agriculteurs pour concilier performances économique et écologique » pour produire plus et mieux. Et reléguer tout dogmatisme.

La France doit en effet prendre sa part dans le défi alimentaire mondial à relever « et laisser pour cela les chercheurs chercher ! ». « Les biotechnologies sont incontournables ». « Toutes les tentatives d’intimidation seront poursuivies en justice », a affirmé le Premier ministre.

Mais une politique agricole cohérente devrait davantage reposer sur des initiatives prises par des acteurs de terrain « responsables » qui ont fait leur preuve, selon la Fnsea. En matière d’environnement, « la solution n’est pas dans les normes et les contraintes qu’imposent Paris ou Bruxelles, qui sont des obligations de moyens. Elle est dans l’obligation de résultats ».

Ces propos semblent être partagés par le cabinet du Premier ministre. Xavier Beulin n’hésite pas, du reste, à s’adresser à aux membres de son syndicat lorsqu’il rencontre des réticences rue de Varenne, quitte à mettre sur la touche le ministère de l’Agriculture. L’agriculture est au croisement des politiques agricoles, sociales, environnementales et économiques qui exigent des arbitrages interministériels.

La pénibilité du travail des salariés agricoles sera bien prise en compte dès 2016 mais dans un cadre collectif, avec les syndicats. Le nouveau comité d’entreprise national, intitulé « Campagne », créé pour tous les salariés agricoles offrira un cadre de négociation approprié. Il est exclu de créer des comptes de pénibilité dans chaque exploitations agricole.

Sans parler de grand soir « administratif, le Premier ministre s’est engagé à explorer des pistes proposées par la députée Frédérique Massat pour simplifier les contrôles réglementaires (Pac, entretien des cours d’eau par exemple). Dès 2015, les standards européens seront les standards français. Le temps des surenchères réglementaires, à l’origine de distorsions de compétitivité avec nos voisins européens, est révolu !

Pour inscrire davantage l’agriculture dans la transition énergétique, les délais d’instruction des projets de construction de méthaniseurs seront réduits et le moratoire sur les retenues d’eau rendu caduc. Plus aucun engagement de réduction des prélèvements d’eau ne sera imposé lorsqu’un nouveau barrage sera construit.

A Bruxelles, le Premier ministre a rappelé que la France a réussi à se faire entendre auprès de la Commission européenne pour modifier la directive sur les travailleurs détachés « qui pillent des emplois en France ». Il souhaite aussi faire évoluer le droit de la concurrence pour que les petites entreprises soient mieux armées face à la grande distribution. Il est sur ces deux points en phase avec le président de la Fnsea. En France, qu’attend le gouvernement pour sanctionner les grandes enseignes commerciales engagées dans des baisses de prix effrénées.

Manuel Valls qui aime les entreprises, aime aussi les exploitations agricoles indispensables pour l’économie nationale en matière d’emploi et de commerce extérieur. « Produire français pour manger et consommer français », est le thème du congrès de la Fnsea et Manuel Valls en fait aussi sa devise. C’est pourquoi il s’attachera, entre autres, à ce que la part de produits alimentaires français utilisés par la restauration collective soit plus importante. Généraliser la mention de l’origine des produits transformés fait partie des priorités.

Xavier Beulin et Christine Lambert, vice-présidente de la Fnsea, sont satisfaits du discours entendu et des annonces faites par Manuel Valls. Mais ces dernières sont insuffisantes. Restent ouverts les chantiers sociaux, économiques, écologiques et sur l’innovation, créés en janvier dernier avec le gouvernement en partenariat avec la Fnsea, pour s’attaquer aux problèmes et proposer des réponses concrètes.