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22e congrès de la Coordination rurale

A Beaune, les agriculteurs CR nourris de réflexions 100 % non conformistes


Politique et syndicats le 04/12/2015 à 07:21
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Alors que toutes les attentions sont concentrées sur la Cop21 et l’état d’urgence, les agriculteurs de la Coordination rurale étaient réunis en congrès à Beaune jeudi 3 décembre 2015 pour se nourrir de réflexions quelque peu non conformistes en matière d’énergie, de modèles agricoles ou encore de place de la France sur l’échiquier agricole mondial.

«Vive les énergies fossiles ! » C’est avec ce slogan argumenté de Samuele Furfari, conseiller à la direction générale de l’énergie de la Commission européenne que les agriculteurs de la Coordination rurale ont débuté leur 22e congrès à Beaune jeudi 3 décembre 2015. C’est une tradition de chaque rendez-vous annuel du deuxième syndicat agricole : alimenter les troupes par des réflexions quelque peu non conformistes sur différentes thématiques.

En pleine Cop21 focalisée sur un accord pour réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’intervention de Samuele Furfari ne pouvait pas mieux coller à l’actualité. Le spécialiste s’est aussi attaché à relativiser les enjeux : « La part de la consommation mondiale d’énergie fossile pourrait passer de 86 % à 80 %. C’est une baisse toute relative. Mais en valeurs absolues, cette consommation va beaucoup progresser. Depuis 1985, la planète a augmenté ses émissions de Ges de 55 ! »

Selon l’expert, c’est la première fois que le prix du pétrole diminue dans une période de conflit ouvert au Moyen-Orient. « Ce n’est pas un hasard. Car la soi-disant pénurie annoncée de pétrole n’est plus d’actualité. Les réserves connues de pétrole n’ont jamais été aussi élevées. » Pour lui, le prix du pétrole reste beaucoup trop élevé. « Il est encore le double de ce qu’il devrait être », explique le défenseur des énergies fossiles.

Les leaders de la Coordination rurale ont également convié Périco Légasse, fervent dénonciateur « des dérives mercantiles d’une agriculture intensive sous pression des lobbies industriels et de la grande distribution ». Le journaliste et critique gastronomique est venu défendre à Beaune la paysannerie, notion et sémantique davantage portée par la Confédération paysanne. Mais il était surtout le parfait invité pour soutenir les adhérents dans leur lutte contre le syndicalisme majoritaire.

« J’ai envie de demander à la classe politique et à la fnsea co-gestionnaire : qu’avez-vous fait de la France ? » a-t-il questionné avant de se lancer dans de nombreuses formules ciblant surtout le syndicat majoritaire. Des formules qui ont aussi fait figure de « coming-out » pour sa proximité avec la CR.

« J’ai un problème avec les syndicats agricoles. A la Confédération paysanne, ils sont d’abord de gauche avant d’être paysans. A la Fnsea, ils sont cons avant d’être paysans. Finalement, à la Coordination rurale, vous êtes les moins pires » a-t-il lancé. Le message n’a guère été apprécié par Xavier Beulin qui, dans un tweet, s’est contenté de « prendre acte » du choix syndical de Périco Légasse.

Et le spécialiste de poursuivre contre « une mondialisation » qui « détruit la paysannerie », nourri par les applaudissements des congressistes : « La France est le dernier pays soviétique où le président du syndicat majoritaire est aussi, en quelque sorte, le ministre de l’agriculture. » Mais l’expert gastronomique défend aussi à sa façon le ministre de l’agriculture. « Stéphane Le Foll est aussi le moins pire, ne le sifflez pas ! »

Sur un ton très différent, les producteurs de la Coordination rurale ont aussi eu droit à une vraie leçon de géostratégie. Exposant la guerre économique que se livrent la Chine et les Etats-Unis, Jean-Michel Quatrepoint, journaliste économiste, reste très pessimiste sur les ambitions de la France – et les moyens qu’elle se donne – pour garder son rang agricole face à ces deux mastodontes économiques, mais aussi face à l’Allemagne « qui dirige l’Europe depuis la réunification puis l’élargissement. »

Selon lui, les agriculteurs ont tout à craindre du Tafta, l’accord bilatéral entre l’UE et les Etats-Unis en cours de négociation par la Commission européenne. « Cette question du Tafta est une question gravissime qui nous engagera pendant des décennies. »

Dans un « contexte médiatique accaparé par la Cop21 », il était difficile de relever une note d’optimisme tant auprès des intervenants que des adhérents. « Quelle filière n’est pas en crise ? » a ainsi résumé Catherine Laillé, secrétaire générale du syndicat. Les difficultés des producteurs et la douloureuse mise en place des mesures du plan d’urgence suffiraient pourtant à manifester à nouveau. « Mais avec l’état d’urgence et la trêve des confiseurs, les actions ne reprendront qu’en début d’année 2016 », explique pour sa part Bernard Lannes, président du syndicat.