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Christian Rousseau, agriculteur

Viser des  »Big data » utiles pour nos métiers


Innovations et machinisme le 23/03/2016 à 07:25
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Tout le monde parle de Big data. Mais qu’en est-il pour l’agriculture ? Lors d’une table ronde organisée à Paris début mars, Christian Rousseau, directeur délégué de l’innovation chez Vivescia mais aussi viticulteur et céréalier champenois, a expliqué ce que les agriculteurs attendent et peuvent retirer de cette invasion de données. Documents administratifs, traçabilité, environnement, agronomie, machinisme,… De nombreux domaines pourraient être concernés.

Le 10 mars, au cours d’une table ronde organisée à Paris par l’Acta et l’association francophone d’informatique en agriculture (Afia), Christian Rousseau, directeur délégué de l’innovation chez Vivescia, a démystifié quelque peu l’arrivée du Big data dans l’agriculture. Agriculteur et viticulteur en Champagne, il est associé avec son épouse et ses deux fils sur une exploitation de grandes cultures. Ensemble, ils pratiquent les TCS et le semis direct sous couvert végétal.

« Un agriculteur passe plus de temps au bureau que dans les champs. Et le pire, c’est qu’il ne peut pas valoriser ces informations ! Notre métier exige de plus en plus d’interconnexions. Lier et entrecroiser nos données permettra un gain de temps énorme », explique le producteur.

Pour le Champenois, « une fois saisies, les données doivent être réutilisables pour d’autres applications. Par exemple, elles pourraient servir à calculer l’empreinte carbone du produit. Et ensuite, les industriels pourraient les mettre en avant via l’étiquetage. Le consommateur peut choisir ses produits selon leur impact environnemental, précise-t-il. Indiquer et prouver l’origine de nos produits : voilà comment nous leur donnerons de la valeur ajoutée ! »

Outre l’environnement et la traçabilité, le Big data pourrait s’avérer intéressant en agronomie. « Les agriculteurs doivent connaître leurs sols, la technologie doit les y aider. Pour cela, il est important de les qualifier. C’est la clé d’un bon équilibre auxiliaires/parasites ». Et cela permettrait de prévoir les interventions, d’économiser des intrants, d’améliorer les marges et les impacts environnementaux. Facile alors de faire de l’agriculture de précision !

L’abondance de données facilite l’élaboration de modèles de production, grâce auxquels il est possible de prédire les rendements et la qualité. De plus, ils devraient être en mesure d’estimer les quantités d’énergie produites. Le bilan carbone pourrait être connu à l’avance et même les quantités de CO2 produites et piégées dans le sol.

Du côté des coopératives, l’objectif est d’optimiser le conseil. En cartographiant les besoins culturaux et les interventions des adhérents, le technicien établit sa préconisation. Des outils d’aide à la décision, mieux adaptés aux micro-régions et aux micro-contextes agro-économiques, pourraient être développés. Si l’on ajoute les données météorologiques et les enregistrements culturaux, les prévisions de rendement et de qualité seront plus fiables. Pour être efficaces, les données recueillies doivent aboutir à un conseil « personnalisé ».

Dans le secteur du machinisme enfin, les capteurs produisent aujourd’hui 10 Mo de données par seconde sur un tracteur. C’est trop ! Dans cette course au Big data, le risque est de s’enliser dans l’accumulation de données inutiles. « Les constructeurs doivent analyser quels sont les réels besoins des agriculteurs. Connaître la consommation du tracteur, c’est intéressant ! Savoir s’il consomme 20 ou 22 l/h, beaucoup moins, s’exclame Christian. Le prix du carburant, ce n’est pas ce qui pèse lourd dans mes charges. Je dois plutôt être capable de dire s’il est utile d’acheter une nouvelle machine, ou de quelle puissance je dois disposer en fonction de mes pratiques, mes cultures et mon type de sol. Sur mon exploitation, j’ai opté pour le TCS et le semis direct. Depuis, je ne travaille plus le sol. Mon besoin de puissance a diminué, les charges de mécanisation aussi. Et pourtant, mon système semble aussi performant que celui de mes voisins ».

Certes les engins sont de plus en plus performants et embarquent de plus en plus de technologies, mais celles-ci doivent répondre aux besoins des agriculteurs. Pas l’inverse. « Actuellement, les producteurs font évoluer leurs pratiques en fonction des équipements. Si l’on continue de raisonner ainsi, le Big data ne nous apportera rien ! C’est la technologie qui doit s’adapter aux exigences du terrain. », conclut-il.