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Coûts de production laitière

Le « produire plus » et la robotisation ne sont pas des solutions à la crise


Élevages bovins lait et viande le 13/04/2016 à 07:25
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Au regard de la forte dégradation des comptes des exploitations laitières, sortir de la crise par une augmentation des volumes ne semble pas un raisonnement économique pertinent. De même, la robotisation de la traite engendre plutôt une hausse des coûts de production qu’une baisse. Chiffres à l’appui, l’Institut de l’élevage rappelle qu’il faut « produire mieux avant de produire plus ».

Avec la crise qui bouscule le secteur laitier, l’endettement des exploitations laitières est de plus en plus inquiétant. Interrogés par les services de l’Institut de l’élevage, qui organisait mardi 12 avril 2016 son colloque annuel sur l’économie laitière, les principaux fournisseurs directs des agriculteurs « confirment la nette augmentation des encours ces derniers mois ». « De fait, ces fournisseurs deviennent des banquiers à la place du banquier », a commenté Benoît Rubin, chef de service Économie des exploitations à l’Institut de l’élevage.

Mais la crise laitière de ces 12 derniers mois n’est qu’un amplificateur de cette tendance. L’endettement des exploitations va de pair avec l’augmentation de leur taille et des volumes produits. Les données fournies par les réseaux d’élevage montrent que la hausse de la production dans la plupart des fermes laitières a un impact négatif sur leur niveau d’endettement.

« La part des exploitations ayant une trésorerie nette globale négative est passée de 24 % à 34 % entre 2007 et 2013 », explique Benoît Rubin. En suivant l’évolution d’une exploitation type de 72 ha, 405 000 pour 1,9 unité de main-d’œuvre, une hausse de 10 % de la production en six ans a engendré une baisse de 4,5 % du ratio EBE avant main-d’œuvre/produit. « L’agrandissement des exploitations a mis en tension les trésoreries », résume le spécialiste.

En fait, augmenter la production nécessite inévitablement des investissements. Or, lorsque les équipements et installations sont en grande partie amortis, le poids de ces investissements est souvent inférieur à 0,50 €/l. Des investissements neufs pour produire le lait supplémentaire peuvent peser bien au-delà de 1,30 €/l. « Avant de produire plus, il faut produire mieux ».

Lors de sa conférence annuelle sur l’économie laitière, l’Institut de l’élevage s’est penché sur l’intérêt économique de la robotisation de la traite. Et force est de constater que l’installation d’un ou plusieurs robots de traite n’est pas sans effets sur les comptes d’exploitation. « Un robot coûte de l’ordre de 112 000 €, expliquent Thomas Huneau et Sébastien Guiocheau, de la Chambre d’agriculture de Bretagne. Mais il ne faut pas sous-estimer les coûts annexes. » Pour la mise en place d’une stalle dans un bâtiment existant, l’intégration au bâtiment et les équipements connexes peuvent s’élever facilement à plus de 40 000 €, auxquels il faut ajouter le prix des éventuelles options du robot.

A l’usage, un robot augmenterait les coûts de production. Selon eux, la robotisation engendre des coûts de production supplémentaires de 21 à 29 € /1 000 l par rapport à une salle de traite non robotisée (hors rémunération de la main-d’œuvre). Même dans les exploitations de référence du réseau Inosys, considérées comme économiquement plus performantes que la moyenne, le surcoût d’un robot est de 10 €/ 1 000 l.

Avec un robot de traite, la production laitière par vache augmente. La consommation de concentrés par vache aussi ! En plus, avec une qualité du lait plus difficile à maîtriser, le lait est payé légèrement moins cher dans les exploitations robotisées par rapport aux autres.

Néanmoins, si la robotisation de la traite ne semble pas économiquement pertinente, les spécialistes de la Chambre d’agriculture de Bretagne reconnaissent au robot un intérêt certain en termes de conditions de travail. « C’est sûr, un robot réduit la pénibilité du travail et permet de dégager deux à trois heures par jour. » Chez nos voisins européens, la logique de robotisation est, selon eux, souvent différente : « de nombreux agriculteurs investissent dans un robot surtout pour le confort de travail, pour la deuxième partie de leur carrière, à un moment où l’exploitation a un niveau d’endettement plus faible. Mais pas dans les premières années suivant l’installation. »