Accéder au contenu principal
Plantes fourragères riches en tanins

Chicorée et plantain, des espèces de pâturage aux nombreux atouts


Alimentation et fourrages le 20/06/2016 à 07:25
i-6001

Les espèces riches en tanins comme le lotier, la chicorée ou le plantain présentent des propriétés antiparasitaires et nutritives intéressantes. Très productive et résistante à la sécheresse, la chicorée fourragère a quelques atouts pour les éleveurs qui maîtrisent déjà bien le pâturage rotationnel.

Parmi les espèces fourragères riches en tanins, le sainfoin ou le lotier corniculé sont sans doute les plus connus et leurs propriétés vermifuges étaient appréciées des anciens. Depuis quelques années, les éleveurs ovins et bovins herbagers et biologiques commencent à s’intéresser aux vertus de la chicorée fourragère et découvrent le plantain cultivé. La sélection des variétés fourragères de chicorée (Cichorium intybus) et de plantain (Plantago lanceolata) vient quasi-exclusivement de Nouvelle-Zélande, où ces espèces sont très couramment utilisées pour l’engraissement à l’herbe des agneaux, voire des bovins et des vaches laitières.

L’Inra de Lusignan et du Theix ont montré les effets des tanins sur la valeur des fourrages valorisés par les ruminants. Car si les légumineuses contiennent 15 à 25 % de protéines, celles-ci sont très solubles et se dégradent essentiellement dans le rumen et très peu dans l’intestin. En se liant aux protéines, les molécules de tanins réduisent la dégradation ruminale et augmentent ainsi la proportion de protéines dégradées et assimilées dans l’intestin grêle (protéines dites by-pass), directement valorisées par l’animal plutôt que par la flore microbienne. Ces molécules de tanins apportent d’autres bénéfices pour les ruminants : la réduction de la météorisation, les effets antiparasitaires et nématicides et même des effets sur la réduction des émissions de méthane. Les tanins végétaux ont des effets prouvés sur la maîtrise des strongles du tube digestif, notamment chez les petits ruminants (ovins, caprins).

La chicorée est très digestible et en plus très appétente. « Chicorée et plantain ont un goût amer, il n’est pas rare que les animaux qui n’y ont jamais goûté mettent quelques heures avant d’y toucher, mais après ils en raffolent ! », a remarqué Olivier Coutreau, chef produit chez Barenbrug.

Même si elle n’est pas météorisante, la chicorée reste assez pauvre en fibres. Pour des vaches laitières ou allaitantes, ce fourrage ne doit pas dépasser un quart de la ration journalière.

La chicorée est connue pour sa bonne valeur alimentaire durant toute la saison d’exploitation, comparable à une très bonne herbe de printemps. Elle est très riche en protéines brutes, avec un taux d’environ 27 % de MAT. Les feuilles de chicorée contiennent plus de 85 % d’eau (11 à 15 % MS), ce qui en fait une espèce quasi-exclusivement destinée au pâturage car elle se conserve mal une fois coupée. Si la prairie contient une importante proportion de chicorée, il est déconseillé de la faucher, même pour la conserver sous forme d’ensilage ou d’enrubannage.

Analyse (stade feuillu, mi-juin) chez un éleveur breton biologique

Source : Capbio-bretagne ; la chicorée en agriculture biologique

La chicorée est une plante vivace qui semble se maintenir correctement d’une année sur l’autre même si l’hiver est froid. Elle est munie d’une solide racine pivotante qui lui permet d’aller chercher l’eau et les minéraux très profondément (généralement à plus d’un mètre en sol profond). De ce fait, la chicorée est riche en oligoéléments. Elle puise notamment dans le sol du potassium, sodium, calcium, magnésium, souffre, fer, zinc, manganèse et de nombreuses vitamines du groupe B.

« Grâce à sa racine, la chicorée résiste très bien à la sécheresse. Elle se plaira dans les sols profonds mais aussi sur les parcelles séchantes, là où le trèfle blanc aura du mal à pousser en été », observe Julien Greffier de LG.

La chicorée a une forte vitesse de pousse, elle est donc plutôt gourmande en azote. Cet élément peut être uniquement apporté par les trèfles et les déjections au pâturage, comme c’est le cas dans les exploitations en agriculture biologique qui se passent généralement de fertilisation azotée sur les prairies d’association.

Mais, rançon de sa forte vitesse de pousse du printemps à l’automne, la chicorée n’est pas une plante conseillée pour tous les éleveurs : « il y a une règle de base : il faut pouvoir revenir sur le paddock au moins toutes les trois semaines, sinon la chicorée va monter en tige et devenir moins appétente. C’est une espèce à réserver uniquement aux prairies exploitées en pâturage tournant. » L’objectif est de parvenir à limiter la croissance des tiges qui présentent peu d’intérêt nutritionnel contrairement aux feuilles. Toutefois pour sa première saison de pâturage, la chicorée ne doit pas être pâturée trop ras, afin de préserver sa couronne et son enracinement lorsqu’elle est jeune (attendre qu’elle ait développé au moins 5 à 6 feuilles). Une fois installée, elle résiste au piétinement mais la chicorée a besoin d’un temps de repousse et n’apprécie pas le surpâturage. Si la prairie se dégarnit, il est possible de la laisser fleurir et grainer à l’automne pour accroître la pérennité. Les tiges seront alors broyées en fin de cycle.

Le semis des petites graines de chicorée peut avoir lieu indifféremment en fin d’été ou au printemps (et peut se tenter en sursemis) pour faire des praires de longue durée, avec une pérennité de trois à cinq ans. La préconisation de semis varie autour de 1 à 2 kg/ha (voire moins), toujours en association avec des graminées et des légumineuses. La chicorée s’associe bien aux espèces de pâturage comme le ray-grass anglais (RGA) et le trèfle blanc (TB). Pour Julien Greffier, chef produit fourragère chez LG : « la chicorée peut aussi compléter un mélange dactyle + TB, puisque le dactyle doit lui aussi être exploité à moins de 21 jours, et pourquoi pas en association avec de la fétuque élevée. »

Les éleveurs néo-zélandais parviennent à faire des GMQ très élevés avec des prairies chicorée + TB, sans graminées. Mais que ce soit pour la chicorée ou le plantain, il faut savoir rester prudent avec ces nouvelles espèces. Mieux vaut en semer à petite dose (0,5 à 2 kg/ha) et regarder leur comportement.

Le climat est parfois très sec en Océanie et les éleveurs exposés à d’importantes sécheresses sèment généralement des « mélanges d’été » composés essentiellement de chicorée (5 kg/ha), de plantain et des trèfles blanc et violet, sans graminée. Ces mélanges d’été restent verts quand les classiques prairies RGA-TB ont jauni depuis des semaines !

Profitons du Salon de l’herbe 2016 pour voir ce que proposent les semenciers en la matière :

LG : chicorée Choice

Limagrain propose la variété de chicorée créée par la recherche publique néo-zélandaise, Choice. Variété à fort rendement recommandée pour la production laitière car elle présente une faible concentration en lactucine et lactucopricine qui diminue son amertume et évite la coloration du lait.

Barenbrug : chicorée Commander et plantain Tonic

La chicorée Commander est typique par son port très dressé vers le haut, facilement préhensible par les animaux. Le semencier propose le mélange Chicorée + TB Prota plus dry, très résistant à la sécheresse.

Le plantain Tonic, proposé par Barenbrug, est l’une des variétés les plus connues, avec une bonne production en zone froide.

Jouffray-Drillaud : mélange M Santé avec chicorée Puna II

JD a confectionné Le mélange M Santé, « l’alicament des pâtures », une composition à base de 40 % de TB, 30 % de chicorée de variété Puna II, 15 % de trèfle violet diploïde et 15 % de Lotier corniculé. A exploiter en pâture pour une pérennité de 3 à 4 ans. Ce mélange est destiné à s’associer à des graminées.

Eliard- SPCP : chicorée Mount Cook, plantain Hercules

Le semencier morbihannais Eliard-SPCP commercialise deux variétés néozélandaises en France : la chicorée Mount Cook et le plantain Hercules à démarrage rapide, forte productivité et riche en énergie.