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SEMENCES

Les nouvelles biotechnologies vertes : réglementation, enjeux et perspectives


AAF - Delphine Guey le 19/08/2016 à 12:00
académie d'agriculture de france

Quelques organisations réclament que toutes les biotechnologies vertes soient soumises au même régime réglementaire que les OGM. La question est examinée au niveau européen. Quels sont les enjeux pour la filière semencière française ?

Les nouvelles techniques de biotechnologies vertes sont encore globalement assimilées à la catégorie OGM. Pourquoi ? Quelles sont les conséquences de cette classification ?

Pour encadrer la culture de plantes OGM, l’Europe a mis en place la directive 2001/18 à la fin des années 1990. Cette directive, qui coïncidait avec l’arrivée d’une nouvelle technique, la transgénèse, avait également pour objectif de rassurer les consommateurs sur cette nouvelle technologie. Concrètement, cette réglementation a eu pour résultat l’interdiction de facto de la culture des OGM sur le continent européen ou dans de nombreux pays européens dont la France. Parallèlement, depuis plus de 20 ans, les OGM sont cultivés dans d’autres pays et zones géographiques sans révéler de risques sur l’environnement ou la santé des consommateurs. Je tiens à rétablir une vérité : le cadre réglementaire européen actuel, concernant la commercialisation des semences et plants, permet bien d’encadrer l’ensemble des obtentions végétales, contrairement à ce que l’on entend souvent. C’est bien la directive 2001/18 qui est une exception, en considérant la technique et non la variété finalement obtenue.

Quels sont les principaux enjeux liés à la classification de ces nouvelles techniques ?

Face à l’apparition de nombreuses nouvelles techniques et technologies de sélection de plantes à travers le monde, le cadre réglementaire européen est questionné. Ainsi, la Commission européenne a défini une première liste, les « New Breeding Techniques» ou NBT, qui va être soumise à une analyse strictement juridique afin de décider si les techniques mentionnées doivent être considérées et classifiées comme des exceptions. Ces analyses vont, en effet, déterminer si ces nouvelles techniques sont juridiquement considérées comme des OGM ou non. Par ailleurs, le modèle d’étude actuel des nouvelles techniques est largement inspiré de celui utilisé pour les OGM alors que, comme l’a indiqué le Comité scientifique du HCB, certaines techniques (SDN1, SDN2, ODM, ségrégants négatifs) produisent des plantes non distinguables d’une plante d’une même espèce obtenue par « croisement conventionnel ». En effet, s’il n’y a pas d’introduction d’une séquence d’ADN contenant un gène issu d’une espèce différente (transgénèse) la plante comportant des modifications génétiques ne devrait pas être soumise au même modèle d’évaluation que les OGM. Il est indispensable de ne pas généraliser et d’éviter une catégorisation automatique de toutes ces nouvelles techniques d’amélioration des plantes en tant qu’OGM. Nos législateurs continuent à vouloir considérer les techniques alors qu’il est beaucoup plus pertinent de conserver et renforcer l’évaluation des caractéristiques des produits issus et donc des variétés. Ce n’est pas la technique qui compte mais le résultat obtenu.

Peut-on s’attendre à une modification ou une évolution de la méthodologie utilisée pour leurs classifications ?

Ce travail juridique, attendu depuis plusieurs années, a été régulièrement reporté par la Commission européenne. Mais en novembre 2015, le Ministre de l’Agriculture français a affirmé que le gouvernement allait examiner avec pragmatisme le dossier des nouvelles techniques. En parallèle, le Comité scientifique du HCB a publié le 4 février un avis allant dans le sens de la nécessité d’étudier le statut juridique de ces nouvelles techniques. En effet, pour le Comité scientifique, les mutations dirigées sont devenues « un outil incontournable dans les laboratoires ». Elles pourraient également faciliter l’ « adaptation rapide à certaines modifications des conditions du marché ou de l’environnement », comme trouver de nouvelles résistances à des maladies.

Quelles sont les perspectives qui en découlent ?

L’évaluation doit plutôt porter sur les produits et non plus sur les techniques. Contrairement à d’autres domaines, les biotechnologies vertes restent un des rares secteurs soumis à un examen des techniques. L’EASAC (the European Academies Science Advisory Council) qui regroupe les académies des sciences européennes, ainsi que de nombreuses instances scientifiques recommande une évolution de ce système d’évaluation vers un examen des produits et non plus des techniques. Les conclusions du Comité scientifique du HCB concernant les NBT vont dans le même sens. Avec des techniques en perpétuelle évolution, les entreprises opérant dans le domaine des biotechnologies vertes ont besoin d’un cadre légal et réglementaire clair et précis pour mener à bien leurs activités.