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Nouvelles technologies

Demain, des robots dans ma ferme ?


Innovations et machinisme le 14/10/2016 à 07:25
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Les robots investissent de plus en plus les salons et les journaux. Ils sortent des fermes d’élevage et tentent de s’introduire dans les exploitations céréalières. Si la technologie offre aujourd’hui des possibilités encore insoupçonnées il y a quelques années, les robots réussiront-ils à convaincre les agriculteurs de leur utilité ?

Depuis les débuts de l’industrialisation de l’agriculture, les robots se sont développés en élevage. Ainsi, on compte aujourd’hui en France un peu plus de 4 800 robots de traite. Mais depuis quelques années, la robotique agricole ne se limite plus à cette seule tâche, elle s’est étendue à la distribution des rations, au paillage et raclage des bâtiments, et plus récemment aux productions végétales avec des robots qui se déplacent de manière autonome dans les parcelles.

Depuis deux ans environ, la presse agricole s’intéresse de près aux prototypes de robots maraîchers ou viticoles car dans ces secteurs, les systèmes robotiques apportent des gains de productivité indéniables. Anatis, robot de binage ou Toutilo, cobot de maraîchage par exemple. Dans les poulaillers industriels aussi, des concepts similaires ont été présentés cette année : Tione, qui oblige les poules à pondre dans les bons emplacements ou Octopus, qui traite les bâtiments de manière autonome. Nous sommes cependant encore loin de la phase d’industrialisation puisque ces robots sont peu commercialisés. Seuls Oz, de Naïo technologie et Effibot, d’Effidence, distribués chacun à plusieurs dizaines d’exemplaires, semblent émerger.

Toutefois, cette vision française de la robotique agricole ne doit pas occulter les innovations de plus en plus nombreuses au niveau international, dans un domaine où la mondialisation fait loi. Beaucoup d’instituts de recherche et d’entreprises à travers le monde travaillent à la conception d’engins pour assister les exploitants agricoles. Citons les Australiens de l’université de Sydney et leurs robots Rippa et Ladybird, qui surveillent les cultures, ou Shrimp, capable de ramener 20 à 150 vaches à l’étable. Sans oublier les Hollandais de Precision Makers et leur Greenbot, un tracteur sans cabine robotisé de 100 ch présenté dès 2014.

Un foisonnement de robots agricoles qui montre, selon Michel Berducat, directeur adjoint du laboratoire des Technologies et Systèmes d’Informations à l’Irstea de Clermont Ferrand, que nous sommes sur le pic de la courbe de l’innovation de Geoffrey Moore et à la veille de son « gouffre » (voir l’encadré).

Qu’est-ce cela signifie concrètement ? Que nous sommes à l’amorce du passage délicat pour l’adoption de toutes nouvelles technologies. En fait, certaines réussissent à passer ce cap et d’autres non, car seules les premières ont réussi à convaincre les utilisateurs de leurs bénéfices réels.

Sans dramatiser, il est vrai que de nombreuses start-up lèvent des fonds pour développer leurs idées. Nous sommes donc toujours dans la phase des pionniers de la robotisation. La recherche elle-même essaie encore de résoudre les problématiques liées à la coopération entre plusieurs robots au sol, mais aussi entre des robots aériens (drones) et au sol. Si une bulle technologique est en train de se former, elle n’a pas encore éclaté. Dans le gouffre des technologies, en effet, on assiste souvent à des dépôts de bilans avant de voir les entreprises qui ont su convaincre se développer industriellement. La conjoncture agricole difficile ne devrait-elle pas inciter à investir dans ces procédés économes en ressources, et du même coup accélérer la mutation des équipements agricoles vers plus de robotique ?

La robotique agricole de plein champ parviendra-elle à convaincre les agriculteurs ? Rien n’est moins sûr. Pour gagner ce combat, les laboratoires et les fabricants doivent prouver qu’elle améliore réellement la compétitivité des exploitations.

Car il s’agit bien d’un combat. En effet, « la robotique agricole ne commence pas dans les champs mais à la ferme », précise Michel Berducat. L’utilisation de robots va modifier l’organisation du travail mais aussi certainement les itinéraires culturaux. Actuellement, la plupart d’entre eux incluent trois à quatre traitements phytos. À l’avenir, le coût de ces passages robotisés diminuerait et permettrait d’envisager des applications plus nombreuses mais plus sélectives. L’automatisation réduisant les astreintes et les charges de main d’œuvre, 10 passages par an et par culture ne sont pas irréalistes.

« Les robots n’arriveront pas dans nos fermes demain mais après-demain », prévoit Michel Berducat. En attendant, nous pouvons continuer de rêver aux tracteurs sans cabine de Case IH ou aux essaims de petits robots du projet Mars de Fendt.