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E-commerce agricole

Se fournir sur internet, combine anti-crise pour les fermiers français


Communication agricole le 03/03/2017 à 14:25

« J'ai tapé bêtement "engrais moins cher" sur internet, et le site Agriconomie s'est affiché ». Depuis Sylvain Le Floch, agriculteur breton s'est converti à l'achat en gros sur internet pour réduire ses coûts et échapper au diktat des coopératives.

Le site Agriconomie, lancé en juillet 2014 par trois jeunes sortis d’HEC propose semences, engrais, produits phytosanitaires et pièces détachées de matériel agricole à prix fixes, avec l’ambition de devenir l’Amazon rural.

Sur une année, Sylvain Le Floch qui exploite 500 hectares, estime son économie à 7.000 euros environ. Avec la crise actuelle, il se dit « obligé de tirer sur tous les coûts ». Il a aussi économisé 15.000 euros par an en remplaçant une partie du désherbage chimique par du binage mécanique.

Installée dans une ancienne usine d’Ivry-sur-Seine, la start-up Agriconomie accueille aujourd’hui 50 salariés, jeunes, fraîchement diplômés et ayant souvent un lien familial plus ou moins direct avec la terre.

Le principe est simple : donner une visibilité sur les prix aux agriculteurs « qui n’ont aucune transparence », explique Sylvain Seng-Bandith, 26 ans, responsable du référencement sur les moteurs de recherche. « Nous ne promettons pas nécessairement le meilleur prix, mais nous promettons de respecter le prix affiché, c’est déjà un gros travail, car le marché est très opaque », affirme-t-il.

Le PDG d’Agriconomie, Paolin Pascot, a 27 ans. Il se dit inspiré par son grand-père, un ancien ouvrier agricole du Poitou. Pour fonder l’entreprise, il s’est associé avec Clément Lefournis, dont le père est céréalier depuis cinq générations dans la Marne, et un autre ami, « génie de l’informatique » et fils de viticulteur de Champagne.

Emblématique de l’ambiance à la fois décontractée et appliquée qui règne dans les couloirs de la start-up, son siège social est resté basé dans le bien-nommé village de Coole, dans la Marne, où se trouve aussi la ferme du père de Clément.

« Au début, nous avons lancé le site dans un seul département, la Marne, avec un seul produit, une solution azotée basique à 6.000 euros le camion (entre 25 et 28 tonnes, NDLR) » explique Paolin. « Le succès est venu du prix affiché, transparent, et comprenant la livraison », (…) « un client a commandé pour 300.000 euros d’un coup » et « nous avons réalisé nos objectifs de l’année en trois semaines ».

Le volume d’affaires de la première année, 1 million d’euros, a été multiplié par sept dès la deuxième année (7,4 millions). Pour l’exercice en cours, qui se terminera fin juin, Agriconomie prévoit d’afficher 200.000 références dans son catalogue d’ici fin juin, et de brasser 19 à 20 millions d’euros.

Face aux bonnes vieilles coopératives, certaines fondées au début du XXe siècle, d’autres après la guerre, Paolin Pascot ne croit pas du tout être un élément « d’ubérisation de l’agriculture ». « Je crois à l’humain, au bon sens paysan, un agriculteur est un entrepreneur à multi-casquettes » qui va avoir de plus en plus besoin des données pour prendre ces décisions, dit-il.

En Angleterre, le site Yagro s’est lancé sur les mêmes lignes. En Espagne, Agroterra propose aussi de vendre en gros.

Malgré la difficulté d’installation de l’internet rapide dans les zones rurales, tous luttent contre les différences de prix parfois très importantes d’une coopérative à l’autre.

Pour le client breton d’Agriconomie, Sylvain Le Floch, ce genre de site va obliger à une « mutation des coopératives », car les agriculteurs, sinon, « ne vont pas pouvoir résister aux marchés mondiaux volatiles ».

Constat repris par Patrick Durand, président de coopérative dans la Beauce : « Nous allons devoir faire des offres de service différenciées, vendre des matières brutes sans conseils, sans services pour rester compétitifs, car dans les prix des produits phytos figurent tout un aspect conseil ».

Mais les coopératives s’inquiètent de l’arrivée de ce nouvel acteur. « Qui reprendra les produits phytos vendus par Agriconomie et non utilisés ? les emballages usagés et toxiques ? », s’inquiète Vincent Magdelaine, directeur des métiers du grain au sein des Coopératives de France. Les coopératives le font.

« Pour moi, rien ne remplacera la coopérative », répond Thierry Bertot, agriculteur dans l’Eure, qui exploite 155 hectares de culture. « Leurs techniciens viennent dans les champs toutes les trois semaines vérifier l’évolution des cultures et des maladies, ça ne peut pas être fait en ligne. »