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La récolte du muguet

Une cohorte de travailleurs saisonniers dont de nombreux retraités


Communication agricole le 30/04/2017 à 09:25

Fleur fragile et éphémère mise en vente le 1er mai, le muguet est récolté à 85 % dans la région de Nantes par des travailleurs saisonniers aux profils extrêmement variés, dont de nombreux retraités à la recherche d'un complément de revenus.

Précoce cette année, la récolte du muguet a commencé autour du 14 avril et s’est achevée une dizaine de jours plus tard. A l’approche de la Fête du travail, encore plusieurs centaines de saisonniers s’activent chez la vingtaine de producteurs de la région nantaise pour trier les brins conservés en chambre froide et préparer les colis qui seront expédiés un peu partout en France. Parmi eux, étudiants, chômeurs, migrants, mais aussi retraités, dont la part tendrait à augmenter, bien qu’il n’existe pas de statistiques.

« Le profil des saisonniers est extrêmement varié. La part des retraités qui cherchent un petit complément est difficile à évaluer car ils ne sont pas inscrits comme demandeurs d’emplois », explique la direction régionale de Pôle emploi, qui recrute chaque année pour les maraîchers nantais entre 2.000 et 2.800 saisonniers. « Si la récolte tombe en période de congés scolaires, on sait qu’on aura beaucoup d’étudiants. Hors période scolaire, on aura plutôt des chômeurs, des travailleurs étrangers et pas mal de retraités, mais en quelle proportion, je ne sais pas », assure aussi Patrick Verron, conseiller technique « muguet » au comité départemental de développement maraîcher.

Tractant à la sortie de la serre du plus gros récoltant de Loire-Atlantique, à Saint-Philbert-de-Grandlieu, comme chaque année depuis cinq ans pour informer les saisonniers de leurs droits, des militants locaux de la CGT ont « constaté un fort volume de retraités dans les champs », sans pouvoir non plus le chiffrer. Et souvent « il n’y a pas de service d’infirmerie si l’un d’eux se blesse et pas de bouteille d’eau fournie », déplore Sabine Génisson, référente nationale du syndicat sur le travail saisonnier.

Terminant sa troisième saison d’affilée au conditionnement, Gérard, ancien agriculteur de 64 ans, a « vu pire ». Mais il « s’en passerait bien », surtout « quand on a travaillé toute sa vie, et pas aux 35 heures ». Seulement, avec sa retraite Gérard vit « en-dessous du seuil de pauvreté » et ce complément lui est « indispensable ». « Avant le muguet, j’ai fait cinq mois de taille de vigne, j’irai faire cet été deux mois de récolte de cocos en Bretagne et à l’automne les vendanges dans le Bordelais. Voilà ma vie », souffle-t-il entre deux bouchées de pain, avalées dans le coffre de sa camionnette pendant sa pause méridienne.

Dans les serres, où s’échangent facilement les bons plans sur les emplois saisonniers, Gérard a croisé « beaucoup de gens dans (sa) situation », « une bonne moitié de retraités » parfois venus de loin et certains « très âgés ». « Des retraités, il y en a beaucoup et de plus en plus », remarque Jean-Yves Coutant, 68 ans, ancien agriculteur vendéen avec une « retraite de 800 euros par mois », qui trie et emballe les brins de muguet pour la sixième année consécutive. Avec dix jours de travail rémunérés au Smic, il gagnera quelques centaines d’euros, de quoi « mettre un peu de beurre dans les épinards ». Le travail, « c’est loin d’être le bagne », mais les journées, dimanche compris, sont « intenses », pour terminer à temps, note-t-il.

Congelée après avoir passé plusieurs heures immobile à confectionner des bouquets, Monique Nurdin, 65 ans, est « soulagée que ce soit le dernier jour parce que j’ai un peu mal aux épaules ». Cette ancienne employée d’une usine dans les Vosges, partie « trop tôt en retraite », a entendu parler du muguet en faisant les vendanges. Pour décrocher le poste, elle a dû faire « le premier CV et la première lettre de motivation de (sa) vie. »