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Reportage

Un drone dans les vignes pour limiter les pesticides


Grandes cultures le 27/08/2017 à 11:25
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A quelques jours des vendanges en Champagne, un drone quadrille une parcelle de chardonnay à quatre mètres du sol. Cette nouvelle technologie permettra au vigneron d'utiliser moins de pesticides à l'avenir.

Paul Fallet, 29 ans et 20 hectares de vignes sur les coteaux de la vallée de la Marne, filme le drone en train d’atterrir. Ses quatre hélices soulèvent la poussière du chemin bordant les ceps chargés de grappes.

Cette parcelle de la maison de champagne Fallet Dart, à 80 km à l’est de Paris, sera vendangée début septembre. C’est le « terrain de jeu » de deux anciens ingénieurs de chez Airbus qui ont conçu un drone automatisé, associé à un algorithme capable d’alerter le vigneron sur la présence d’anomalies dans ses vignes. « On ne peut pas être partout. Si je peux être aidé par des machines, volontiers », sourit Paul Fallet, persuadé que cette technologie lui permettra d’être « meilleur dans (s)on métier ».

Le jeune vigneron assume un recours « raisonné » aux produits phytosanitaires (engrais et pesticides) : traiter oui, mais au plus près des besoins de ses vignes. C’est la promesse du drone. L’appareil prend des milliers de photos, disséquées par l’algorithme, « un œil artificiel » qui peut « détecter des symptômes de mildiou (maladie qui attaque le feuillage et les grappes), des carences éventuelles ou calculer la vigueur de la vigne », expliquent Charles Nespoulous et Cyril de Chassey, les fondateurs de la start-up Chouette, basée en région parisienne. « Le but n’est pas de faire voler un drone mais de donner une information précise qui va permettre de réussir des vendanges de meilleure qualité, d’avoir un vin de meilleure qualité pour moins cher, en polluant moins », dit Cyril de Chassey.

Malgré la progression du bio (9 % du vignoble français), la viticulture reste très gourmande en produits phytosanitaires, nocifs pour la santé et l’environnement. La vigne représente 3 % de la surface cultivée en France, mais 20 % des fongicides utilisés, principalement pour combattre l’oïdium et le mildiou.

En survolant régulièrement les vignes, le drone peut localiser les prémisses d’une attaque de mildiou. Plus la détection de la maladie est précoce, moins le traitement sera massif. Les premières cartographies de la parcelle de chardonnay laissent entrevoir « des phénomènes qu’on n’imaginait pas », avec de fortes variations de l’état de santé des vignes au sein d’une même parcelle, remarque Paul Fallet. « On se rend compte qu’il ne faut pas raisonner à la parcelle, mais avec des carrés de 10 mètres sur 10 sinon on peut faire de grosses erreurs » de dosage. Cette technicité ne l’effraie pas.

« Quand on gagne en technique, on fait des belles choses en termes de vin, on pollue moins », dit le gérant du domaine champenois.

La filière viticole « s’intéresse de très près » aux innovations liées aux drones qui émergent « un peu partout » en France, déclare Jérôme Despey, président du conseil spécialisé Vins de FranceAgriMer et secrétaire général de la FNSEA, principal syndicat agricole français. Le viticulteur y voit une opportunité pour « faire évoluer les pratiques » dans un « meilleur respect de l’environnement ». A condition que cela reste rentable pour les domaines.

La formule d’abonnement proposée par la start-up de région parisienne coûte entre 10 et 20 euros par mois à l’hectare. Convaincus que le drone va devenir « incontournable » au même titre que le tracteur, ses créateurs visent aussi le marché américain.

En attendant, en Champagne, l’état des vignes laisse un goût amer à Paul Fallet. Le 15 août, la grêle a meurtri les grappes, laissant présager un rendement moindre. Et contre ça, la technologie ne pouvait rien.