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Alimentation

A qui va profiter la hausse des prix ?


Politique et syndicats le 23/12/2017 à 16:25

Les Etats Généraux de l'Alimentation (EGA) ont débouché sur la promesse de voir les agriculteurs mieux rémunérés, mais distributeurs, industriels comme consommateurs se demandent qui seront au bout du compte les gagnants et les perdants de la nouvelle loi.

Le Ministre de l’agriculture Stéphane Travert a assuré vendredi que le projet de loi, qui va imposer aux distributeurs de revendre au minimum un produit alimentaire au prix où ils l’ont acheté majoré de 10 %, pour tenter de couvrir les frais de logistique et de transport auparavant assumés par les industriels et producteurs, n’augmenterait pas les prix pour les consommateurs. « Il n’y a pas de raison que le consommateur demain doive payer plus cher », et « il n’y a pas de raison » que le pack de lait soit vendu plus cher au consommateur, a assuré le Ministre, qui était interrogé par la radio RTL sur les effets du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) sur les prix payés par le consommateur.

Car cette hausse du SRP s’accompagnera d’un « lissage », selon le Ministre. C’est-à-dire que si les prix de certains produits sont majorés, d’autres prix baisseront et au total, le panier moyen pour le consommateur ne devrait pas s’en ressentir, selon le gouvernement.

« Les produits des grandes marques (…) vont augmenter un peu mais, par compensation, d’autres produits vont baisser ou seront payés au juste prix », a également souligné le patron de Système U, Serge Papin, sur l’antenne de RMC/BFM TV. « On pourra faire une espèce de dumping, faire subventionner certains produits par les produits des filières agricoles », a-t-il assuré.

« Comment la hausse (jusqu’à 10 %!) du Coca-Cola, du Nutella, du Carte Noire ou de l’Evian va-t-elle rentrer dans la poche des producteurs de viande ou de lait ? », s’est pour sa part interrogé le patron du premier groupe de distribution français, Leclerc, sur son blog.

Pour Michel-Edouard Leclerc, adversaire acharné du relèvement du SRP, « l’exercice accouche d’un énième projet législatif sur les rapports industrie/commerce » et ces Etats Généraux « n’ont servi pour le moment que de prétexte au lobbying des industriels de l’agroalimentaire ». « Habile, le politique avait cherché à nous faire endosser les hausses de prix demandées par les industriels. Réponse négative d’E.Leclerc, des PME et de toutes les associations de consommateurs », ajoute-t-il.

« Les EGA étaient destinés à améliorer le revenu des agriculteurs et la première mesure qui va être prise par le gouvernement consiste à augmenter les marges de l’aval » (les centrales d’achat, NDLR). On marche sur la tête ! », a en effet clamé Dominique Amirault, président de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France, cité dans un communiqué.

L’association UFC-Que Choisir, et la plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire, soulignent dans un communiqué que ce projet de loi va « laisser le consommateur à la marge » et tacle la mesure « très contestable » du SRP car, « si l’effet d’annonce est retentissant, il serait naïf de croire que, spontanément, la grande distribution va répercuter les marges supplémentaires sur les industriels et, par ruissellement, sur les agriculteurs ».

De leur côté, les industriels de l’agro-alimentaire, réunis dans l’Ania, attendent beaucoup de l’application de cette loi, alors que les négociations commerciales de 2018 entre les entreprises alimentaires et la grande distribution « débutent dans un climat difficile, malgré la signature il y a un mois de la charte d’engagement par tous les acteurs de la filière dont tous les distributeurs », souligne l’Ania. L’Ania sera « extrêmement vigilante à ce que les engagements pris dans le cadre des Etats généraux, notamment en ce qui concerne le relèvement du SRP et l’encadrement des promotions, soient bien respectés », assure l’association.

Le PDG de Nestlé France, Richard Girardot, premier à dénoncer la guerre des prix des enseignes entre elles, demande quant à lui sur son blog officiel « que ceux qui souhaitent tirer les prix vers le bas, l’assument sans se réfugier derrière « LE » consommateur, qui, lui, souhaite avant tout, qu’on ne triche pas avec lui. Nous devons en finir avec ce double discours ».