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Bordelais

Le gel du printemps prive certains viticulteurs de millésime 2017


Météo et Aléas climatiques le 07/02/2018 à 14:25

« C'est compliqué, avec 90 % de perte par rapport à un chiffre d'affaires normal », se désole Frédéric Nivelle, directeur technique du château Climens à Barsac (Gironde), en contemplant ses chais vides : durement frappé par le gel en avril dernier, le prestigieux cru du sauternais va devoir renoncer à son millésime 2017.

Le grand cru classé 1855 n’avait pas raté ce rendez-vous pour son premier vin depuis 1993. « Il y deux raisons à cela : la qualité et la quantité. On a neuf lots satisfaisants mais pas suffisants pour faire du Climens. C’est dommage, il y avait un joli potentiel » pour ce vin liquoreux, regrette Frédéric Nivelle.

Avec des rendements passés de 20 hectolitres par hectare à seulement 2 hl, et seulement une trentaine de barriques (9.000 bouteilles) dans ses chais, la « solution c’est d’avoir du stock et des banquiers qui suivent ». « Mais il ne faudrait pas que le phénomène se reproduise deux ou trois années consécutives », souligne-t-il.

Toutes les appellations du bordelais ont été touchées par des épisodes de gel successifs qui ont brûlé les vignes. Mais si un vigneron sur cinq a perdu plus de 70 % de sa récolte, selon la Chambre d’agriculture de la Gironde, certaines exploitations, mieux exposées ou protégées des intempéries, ont à peine été touchées. Autour de Sauternes, ce sont les parcelles les plus basses en altitude qui ont dégusté, comme à château Climens. Mais les vignes situées en hauteur, elles, ont été épargnées, sauvant la mise de châteaux prestigieux comme Yquem ou Rieussec, avec « un millésime magnifique grâce à un botrytis (champignon donnant son arôme spécifique aux liquoreux, aussi appelé « pourriture noble ») d’anthologie », prédit Xavier Planty, président de l’Organisme de défense et de gestion (ODG) Sauternes-Barsac.

Les assurances contre le gel ? Climens, comme beaucoup d’autres propriétés, n’en avait pas. Trop cher pour un tel sinistre qui n’avait pas été enregistré dans la région depuis 1991. Pour les rares domaines assurés, le compte n’y est pas non plus. Château Guiraud ne touchera rien pour ses 40 % de pertes car le mode de calcul est fondé sur un rendement moyen, que les vins liquoreux du sauternais ne peuvent pas atteindre, explique Xavier Planty, l’un des propriétaires.

En moyenne, les propriétés de l’appellation Sauternes-Barsac ont perdu 50 % de leur récolte. Celles avec une notoriété et de grandes surfaces s’en sortent mieux car « les banques suivent », constate ce viticulteur bio. Mais sur un total de 173 châteaux, le sauternais en compte moins de dix d’une surface de plus de 50 ha…

A l’échelle du département, l’association « SOS Vignerons sinistrés » a déjà recensé 300 à 400 exploitations qui risquent de ne pas pouvoir financer la campagne 2018. La majorité d’entre eux devraient vendre en vrac dans les prochains mois une récolte 2017 quasi-inexistante.

Signe funeste, certaines parcelles n’ont pas été taillées et certains professionnels craignent que leurs propriétaires ne renoncent à la vigne, surtout ceux proches de la retraite et sans successeur. D’autres savent déjà qu’ils ne survivront pas. « J’étais en redressement judiciaire. Le gel a mis un point final à la situation. Les prix ont augmenté mais pas assez pour que je m’en sorte. S’ils avaient doublé, ça aurait pu le faire ! », témoigne ce quadragénaire sous couvert d’anonymat. « J’ai perdu 60 à 65 % de ma récolte et j’avais besoin de tout pour sortir de l’ornière. Là, ça ne suffira pas ».