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Autonomie protéique

Patrice Brachet, éleveur de Dordogne, teste des associations de fourragères


Alimentation et fourrages le 14/02/2018 à 19:09
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Patrice et David Brachet, éleveurs laitiers à Azerat (Dordogne) ne labouraient déjà plus depuis 1997 quand ils rencontrent Konrad Schreiber en 2012. Agronome atypique connu pour ses travaux sur les TCS et son engagement pour l’autonomie fourragère et protéique, celui-ci les accompagne aujourd’hui dans le suivi de leurs méteils. Trois nouvelles associations légumineuses/maïs sont notamment à l’essai depuis l’année dernière.

Patrice Brachet reconnait lui-même « ne pas toujours être pris au sérieux. Pourtant, nous obtenons des résultats », affirme-t-il. Il faut dire que la démarche de ce laitier périgourdin, en Gaec avec son fils et son épouse a de quoi surprendre. Pionniers du non-labour dans son département puis des techniques culturales simplifiées, les Brachet cultivent aujourd’hui 65 ha de méteils dont 10 ha de mélange-tests associant maïs et légumineuses. « C’est en 1997 que j’ai pris conscience de l’importance de la vie du sol, explique Patrice Brachet. J’ai travaillé vingt ans à la charrue. Plus on pouvait descendre profond, mieux on se portait. C’était l’usage. » C’est en essayant un déchaumeur Smaragd qu’il a le déclic : « le sol était ameubli sans être déstructuré : j’ai été immédiatement convaincu. Par la suite, nous n’avons travaillé qu’avec ça, avant de passer aux TCS, puis au semis direct. Nous avons toutefois fait une exception en 2002, avec un labour pour détruire 30 ha de ray-grass. »

Installé sur 114 ha en système intensif, le Gaec Brachet possède un troupeau de 150 laitières et produit 1,3 million de litres (chiffres 2017). Côté cultures, 55 ha sont semés avec un mélange d’espèces maison (voir tableau 1) entre le 15 octobre et le 5 novembre. Des maïs suivent immédiatement après. Objectif : parvenir à l’autonomie fourragère et protéique. But actuellement atteint aux deux tiers, 30 % de la ration apportée aux laitières comportant encore 3,5 à 4 kg de tourteau de soja non-OGM par animal, soit 50 000 €/an. Un coût « non négligeable » dont les associés aimeraient s’affranchir totalement. Composée pour moitié de méteil et de maïs ensilage, à quoi s’ajoutent 4 kg de farine d’orge par vache, le coût de la ration est de 95 € pour 1 000 litres de lait.

« C’est Konrad Schreiber qui nous a suggéré d’implanter des mélanges. Nous avions des difficultés à détruire nos ray-grass avant maïs ; on a démarré sur une petite surface et aujourd’hui le méteil est notre culture principale. » Il faudra trois ans d’essais pour arriver à une recette satisfaisante : « changer de système ne se fait pas du jour au lendemain. Le choix d’espèces adaptées aux conditions pédo-climatiques est primordial », fait remarquer Patrice Brachet. Le méteil est ensilé fin mai puis stocké en silo-taupe. « Il faut bien évaluer le stade de récolte. Ensilé trop tôt, le produit est trop azoté. »

MAT

(g/kg de MS)

UFL

(UFL/kg de MS)

PDIN

(g/kg de MS)

PDIE

(g/kg de MS)

boutons (squarrosum)

fleurs (micheli)

* : Semés habituellement en mélange mais en terrain inondable : micheli seul / sol sec : squarrosum seul.

10 ha habituellement laissés en jachère avant un orge ont également été affectés depuis l’année dernière à des associations maïs/légumineuses (voir tableau 2) – dont certaines, comme le lablab sont peu connues. Appelée aussi pois antaque ou dolique d’Égypte, cette fabacée au port grimpant est largement répandue dans les régions tropicales. Le cowpea à quant à lui déjà fait l’objet d’essais dans l’est de la France et le Maine-et-Loire ; également baptisée cornille, dolique à œil noir ou niébé, l’espèce est couramment cultivée dans le sud des États-Unis, aux Caraïbes et au Brésil. Récoltées avant maturité, ces plantes s’adaptent bien au climat du sud-ouest et bénéficient du réchauffement climatique.

Maïs + fèverole : l’association gagnante !

Moins exotiques, la fèverole et la vesce velue ont à leur tour été testées. « Nous avons obtenu des résultats encourageants, affirme l’éleveur. L’association la plus productive semble être maïs/féverole, même s’il faut travailler à augmenter le pourcentage de matière sèche à hauteur de 28 à 30 %. Maïs/cowpea est intéressant également, notamment au vu des propriétés désherbantes de celui-ci. Concernant le lablab, les résultats sont bons mais je crains que le volume de matière végétale produit par cette plante ne provoque la verse du maïs en zone venteuse ou sensible à la fusariose. » Quant à la vesce velue, celle-ci a tellement pris le pas sur le maïs qu’elle l’a étouffé. « En revanche le sol était extrêmement propre après récolte. Même le chardon n’avait pas poussé », fait-il remarquer.

* : indice 360

Un système qui n’est pas sans impliquer quelques inconvénients, comme l’admet lui-même Patrice Brachet.  Ainsi, épandre le fumier avant les semis entraîne une importante surcharge de travail à l’automne. Les méteils sont également gourmands en eau : « nous sommes dans le sud, précise l’exploitant. En terrain léger, si la météo n’est pas favorable, il faut prévoir au moins un à deux passages d’irrigation (minimum 80 mm d’eau) sur les maïs par la suite. » L’important volume de masse végétale des méteils a en outre occasionné de la casse au moment de la récolte. « Il a fallu faucher à la barre de coupe et faire venir deux ensileuses. Ça a été un chantier très compliqué. Actuellement il n’y a pas de matériel adapté qui soit homologué sur route. » Côté financier, tout n’est pas rose non plus : actuellement en redressement judiciaire, l’exploitation est fragile. À 60 ans, Patrice Brachet a renoncé à prendre sa retraite pour « remettre d’aplomb la trésorerie en travaillant comme on le fait aujourd’hui. » Actuellement, la marge brute de  l’exploitation affiche 8,27 € pour 1 000 litres.