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Prix rémunérateurs, Mercosur, ZDS…

Les agriculteurs sont impatients de voir les promesses se concrétiser


Politique et syndicats le 22/02/2018 à 20:02
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Un an après avoir entendu les promesses du candidat Emmanuel Macron, et plus de neuf mois après son arrivée à l’Elysée, les agriculteurs s’impatientent. Les deux discours du président de la République à l’attention du monde agricole ne sont pas encore suivis de mesures concrètes, malgré l’ampleur des difficultés pour bon nombre de producteurs.

Neuf mois après l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, les agriculteurs, et notamment les jeunes agriculteurs qui étaient présents ce 22 février à l’Elysée, attendent, sur le fond, la concrétisation des promesses présidentielles répétées.

Dans son discours prononcé sous les dorures de la grande salle des fêtes du palais de l’Elysée, Emmanuel Macron a demandé aux 700 jeunes agriculteurs venus l’écouter d’être les acteurs de la « révolution culturelle » que doit engager le secteur agricole. Une révolution qui repose sur le triptyque « valeur ajoutée, ouverture, planète ». Il défend la valeur ajoutée par une montée en gamme de la production agricole française qu’il voit comme « un facteur de compétitivité ». Il prône l’ouverture par la signature d’accords internationaux, notamment avec le Mercosur, assurant que « nos lignes rouges sont respectées par la Commission européenne dans ces négociations ». Le respect de la planète passe selon lui par le développement des énergies renouvelables agricoles et par une réduction puis une suppression progressive des produits phytosanitaires les plus critiqués, à commencer par le glyphosate.

« Ce n’est encore qu’un discours. Nous attendons du concret », ont réagi plusieurs jeunes à l’issue de l’intervention présidentielle. Or, il faudra encore attendre plusieurs mois pour voir s’appliquer les mesures défendues par le chef de l’Etat.

Sur la question des prix, « l’ambition agricole » du président repose sur le projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire » sensé inverser la construction des prix pour ainsi les revaloriser en fonction des coûts de production. Même en signant une charte d’engagement, les distributeurs n’ont toujours pas montré une farouche volonté pour prendre en compte ces coûts de production dans les négociations commerciales qui s’achèvent fin février. Cette année encore, les transformateurs et les syndicats agricoles ont tiré la sonnette d’alarme, dénonçant des offres toujours plus déflationnistes. Rappelons que les précédentes révisions législatives n’ont eu aucun effet sur les prix payés aux producteurs.

Le président a évoqué par ailleurs la réforme de la fiscalité agricole. Mais, là encore, il faudra attendre janvier 2019 pour en voir les premiers effets puisque les mesures seront discutées à l’automne dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Concernant la Pac, la vision d’Emmanuel Macron reste conditionnée à une effective valorisation au juste prix des produits agricoles. Pour lui, les aides doivent surtout servir à une « réserve de crise » définie communément avec les 27 Etats membres, et à un outil de gestion des risques. Une approche qui ne tient qu’à la condition que les prix à la production soient suffisamment rémunérateurs.

Le Président a annoncé qu’il clôturerait « personnellement », en mai 2018, le travail de définition d’une stratégie, des engagements et des instruments financiers que nous défendrons pour la réforme de la Pac ». Là encore, il entend proposer une « révolution » dans la façon de voir les aides européennes.

C’est également en mai 218 qu’il souhaite voir finalisé le recensement des projets « structurants » qui seront accompagnés dans le cadre du plan d’investissement de 5 Mds€. Dans cette enveloppe, 1 Md€ servirait à un dispositif de prêts garantis pour les jeunes entrepreneurs agricoles. En complément, sera également créé un « fonds de prêts à la méthanisation » à hauteur de 100 M€.

Pour peu que les mesures fiscales envisagées, les orientations défendues pour le ciblage des aides portent leurs fruits, ou encore que la loi post-EGA soit effectivement respectée par les acteurs de la chaîne alimentaire, il faut encore attendre. « Les idées dont il a parlé sont intéressantes. Mais on attend les actes. C’est ça qui compte », a réagi Eloïse Thirouin, 28 ans, maraîchère dans les Landes qui regrette un peu que le président n’ait parlé que « de viande, de vaches, peu des autres secteurs ».

Emmanuel Macron s’est longuement épanché sur les accords entre l’UE et le Mercosur. Et s’est montré très ferme, visiblement marqué par les manifestations d’agriculteurs mercredi 21 février. « Les lignes rouges françaises sont respectées par l’Union européenne. Il n’y aura jamais de bœuf aux hormones en France », explique-t-il, reconnaissant tout de même que les contrôles actuels ne sont pas assez satisfaisants. « Nous bénéficierons d’une clause de sauvegarde que nous pourrons activer si nous constatons un trop grand déséquilibre du marché du fait de cet accord. »

Ceci dit, l’argumentation présidentielle ne convainc pas toujours. « Si les contrôles ne sont pas bons actuellement sur la viande bovine actuellement importée du Mercosur, ce n’est pas en signant un accord que les contrôles seront meilleurs », estime un jeune éleveur.

Le chef de l’Etat s’est aussi montré très franc concernant la redéfinition des zones défavorisées simples. « Ce dossier a fait l’objet d’une grande hypocrisie pendant des années. C’est facile de cacher la poussière sous le tapis », a-t-il expliqué, ciblant les précédents gouvernements. Il a rappelé la mise en place d’un dispositif d’accompagnement pour les agriculteurs « sortants », avec « deux années de transition ».

Enfin, sur le glyphosate en particulier et les produits phytosanitaires en général, le discours présidentiel laisse les producteurs inquiets à juste titre. « Qui dit que les clients et consommateurs, français ou étranger, accepteront de payer plus cher des productions produites avec moins d’intrants ? » s’interroge un céréalier. « Son discours ne m’a pas du tout rassuré. »

A deux jours du premier Salon de l’agriculture pour Emmanuel Macron président de la République, la réception à l’Elysée avait tous les aspects d’une « opération déminage ».

« Je ne suis pas là pour plaire, je suis là pour faire. (…) L’ambiance au salon samedi prochain, je m’en moque », a-t-il commenté. Le dire publiquement devant 700 jeunes signifie peut-être, au contraire, qu’il veut s’assurer que sa première inauguration du Sia se déroulera sans accroc.