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Au Sia 2018

La filière porcine va monter en gamme, sans négliger la compétitivité


Politique et syndicats le 28/02/2018 à 10:06

La filière porcine française, épinglée par le président de la République, a décidé de travailler sur la montée en gamme, mais prévient que cela ne répondra pas à tous les marchés, notamment à l'export, et qu'elle doit améliorer d'abord sa compétitivité.

« Est-ce que vous pensez que nous pouvons nous contenter d’avoir 0,5 % de porc bio en France, 3 % en Label Rouge, alors que nous ne parvenons pas à satisfaire la demande de nos consommateurs ? Moi, je ne le crois pas », avait déclaré en octobre Emmanuel Macron lors de son discours de Rungis sur les Etats généraux de l’alimentation.

Si la filière est moins passée au bio et autres signes de qualité que d’autres, par exemple la volaille, « c’est parce que le porc conventionnel était rémunérateur », rappelle le président de l’interprofession Inaporc, Guillaume Roué. De plus, si la montée en gamme permettait de s’assurer des débouchés, « ça ne payait que ce que ça coûtait, donc les éleveurs ont préféré miser sur les volumes », ajoute-t-il.

L’interpellation du président a tout de même été entendue par l’interprofession. Celle-ci a construit un plan de filière qui laisse une grande place à la montée en gamme. « Nous n’avons que 11 % de signes officiels de qualité (bio et Label Rouge), le plan de filière prévoit de passer à 30 %, ce qui correspondrait à la demande du marché », selon Guillaume Roué.

Lors du Salon de l’agriculture, l’association d’éleveurs de porcs Label Rouge Opale a d’ailleurs annoncé la signature d’un partenariat avec le Groupe Aoste pour « contribuer au développement de la filière Label Rouge ». De son côté, le groupe Fleury Michon a fondé une coentreprise avec Vallégrain dans le but de « créer une filière porcine bio française ». Mais le plan de filière prévoit également de créer une nouvelle segmentation située entre le conventionnel et les signes de qualité. Cela devrait permettre de donner un cadre collectif aux nombreuses initiatives privées apparues ces dernières années.

La création de la gamme Brocéliande par la coopérative bretonne Cooperl fin 2014, répondait ainsi à une demande sociétale, avec un produit garanti sans antibiotique après la fin du sevrage des porcelets et sans OGM, mais qui reste accessible en prix, car seulement vendu 10 à 15 % plus cher que du conventionnel. Et ce jambon a trouvé son public. Après avoir vendu « 280 000 produits en 2015, nous en avons vendu 7 millions en 2017 », raconte le responsable marketing de la Cooperl, Thierry Du Teilleul. Du coup, la marque va plus loin et lance au 1er mars un jambon « élevé sans antibiotique depuis la naissance ».

Les éleveurs espèrent aujourd’hui que l’autre promesse des EGA sera tenue et que toute la filière jouera le jeu de la contractualisation, y compris les distributeurs et la restauration hors foyer. Mais Guillaume Roué estime que cette contractualisation ne peut s’effectuer que sur la partie du porc vendue sur le marché intérieur. « Malgré la montée en gamme, on sera toujours déficitaire en jambon », rappelle-t-il. Car pour produire deux jambons, il faut trouver des débouchés pour tous les morceaux de l’animal, notamment les oreilles et pieds de porcs dédaignés par les Français mais dont sont friands les clients asiatiques. D’où l’importance de répondre à la principale demande sur les marchés internationaux : être compétitif. Or pour Guillaume Roué, les EGA ont « négligé le volet compétitivité ».

« Nous sommes des fervents défenseurs de la montée de gamme, mais derrière, il faut que le marché suive, c’est-à-dire écouter la demande réelle des consommateurs », souligne également Mickaël Guilloux, secrétaire général de la fédération nationale porcine (FNP), et qui élève 250 truies en Mayenne. Car le prix reste un facteur d’achat déterminant pour une partie des consommateurs français. « On doit être en flux tiré et pas en flux poussé pour ne pas se déconnecter du marché réel », assure Mickaël Guilloux.