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Les jeunes agriculteurs italiens peinent à financer leur installation


Non classé le 15/03/2018 à 18:02
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De plus en plus de jeunes italiens se lancent dans l'agriculture. Pourtant, le manque de financement, le prix des exploitations et la bureaucratie freinent leurs ambitions.

En l’espace de quelques années, l’agriculture italienne a pris un sérieux coup de jeune. Entre 2015 et 2017, le nombre d’agriculteurs de moins de 30 ans a augmenté de 35 %. Le retour à la terre est souvent un moyen pour des jeunes diplômés de s’insérer, alors que 35,2 % des actifs de moins de 25 ans étaient au chômage en 2017 dans le pays. Pourtant, l’installation n’est pas de tout repos pour ces nouveaux arrivants.

« Il est extrêmement difficile pour un jeune exploitant de financer son installation », déplore Francesco Manca, exploitant céréalier et président de l’Association des jeunes agriculteurs de la Confédération agricole de Ferrara, une ville située en Émilie-Romagne, au nord du pays. « C’est un vrai problème pour les jeunes qui n’héritent pas d’une terre de leurs parents », poursuit-il.

« En Italie, les banques ne comprennent pas toujours que l’agriculture n’est pas une activité comme une autre. Elles demandent parfois des garanties qu’il est souvent impossible de donner », remarque Diana Lenzi, viticultrice et vice-présidente des jeunes agriculteurs de la Confédération agricole au niveau national. Particulièrement frileuses vis-à-vis d’une activité dont la rentabilité n’est pas prévisible à long terme, les banques prêtent rarement aux nouveaux exploitants.

La crise de 2010, particulièrement forte en Italie, n’a pas aidé à une meilleure prise en compte de la spécificité agricole par les banques. « Pendant sept ans, il a quasiment été impossible de faire des prêts, la crise nous a fait beaucoup de mal. Aujourd’hui, la situation est meilleure, mais cela reste compliqué », explique Diana Lenzi. 

Les régions italiennes, qui ont de la latitude sur l’utilisation des fonds européens de la Pac, accordent en moyenne 40 000 € aux nouveaux arrivants pour pallier ce problème de financement. « Ce n’est pas suffisant pour résoudre réellement la question », regrette Diana Lenzi. 

Et pour cause : le foncier italien est l’un des plus chers d’Europe. En moyenne, un hectare de terre agricole italien coûtait 19 800 € en 2016, contre 6 030 € en France, selon l’institut de recherche en économie agricole public Crea. «  Nous sommes un petit pays, avec très peu de terres disponibles », commente Francesco Manca.

Pour aller plus loin, les pouvoirs publics ont lancé en 2016 la « Banque de la terre agricole », un organisme qui entend revendre des terres inutilisées et appartenant au domaine public, tout en aidant les jeunes exploitants à les acquérir. En décembre 2017, l’organisme a ainsi mis en vente plus de 8 000 hectares de terres du domaine public. 

Afin d’encourager les jeunes agriculteurs, cette « banque de la terre agricole » a offert des prêts avantageux aux agriculteurs intéressés ayant entre 18 et 40 ans. Objectif : « renouveler les générations », selon l’organisme, dont l’objectif est de vendre, à terme, 20 000 hectares de cette façon. 

Mais la bureaucratie empêche les jeunes agriculteurs d’y voir clair et de récupérer les fonds dont ils ont besoin. « La bureaucratie, en Italie, est si rigide qu’il est assez difficile de récupérer cet argent, on ne sait pas trop où il va », déplore Diana Lenzi, « C’est assez dur de s’y retrouver pour profiter de ce programme, on y voit pas clair », renchérit Francesco Manca.

Malgré les bâtons mis dans les roues des jeunes exploitants, le pays est devenu, en quelques années, la nation européenne qui emploie le plus de moins de 35 ans dans le secteur agricole. Ces jeunes exploitants ou salariés représentent désormais un travailleur agricole sur dix, et rien n’indique que ce flux pourrait tarir.

Mais cet engouement n’est pas sans poser problème. « Il y a une vision un peu romantique du retour à la terre. Beaucoup de ces jeunes ne comprennent pas que c’est aussi un métier. Du coup, certains peuvent être désabusés », prévient Diana Lenzi. 

Cheffe cuisinier dans une autre vie, cette trentenaire a elle aussi abandonné sa carrière pour retourner à la terre, en reprenant l’exploitation familiale. Elle confie ne rien regretter de sa reconversion. « C’est plus qu’un métier, c’est un rapport à la terre vraiment particulier. Je ne pourrais pas faire autre chose », conclut-elle.