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Accompagnement de l'installation

Donner davantage leur chance à ceux qui ne sont pas issus du monde agricole


TNC le 27/04/2018 à 17:56
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Les Coopératives d'installation en agriculture paysanne, créées par la Confédération paysanne, aident les jeunes non issus du milieu agricole à s'installer. Lancée dans les Pays de la Loire il y a six ans, cette initiative a essaimé ailleurs depuis, dans le Centre-Val de Loire essentiellement. Ses objectifs principaux : faciliter, en complément des dispositifs classiques, l'accès au foncier et aux solutions de financement, mais aussi l'insertion dans le milieu professionnel et social local.

Les jeunes non originaires du milieu agricole : une manne pour renouveler les générations d’agriculteurs, une profession qui a perdu 200 000 actifs en 10 ans. Dans les Pays de la Loire, ils représentent 30 % des installations aidées, soit 155 en moyenne par an, sachant que plus de 700 se présentent aux points info-installation. Face à une telle déperdition, la Confédération paysanne a décidé de réagir, en essayant de comprendre tout d’abord les raisons de ce phénomène. De ces réflexions, est née en 2012 la Coopérative d’installation en agriculture paysanne (Ciap) de Loire-Atlantique.

« Ces porteurs de projet cumulent les handicaps par rapport aux reprises familiales d’exploitations agricoles, pour lesquelles ont été pensées les politiques des structures et d’installation, indique cet organisme dans un communiqué. L’accès aux moyens de production est un parcours du combattant pour tous mais chaque obstacle est décuplé pour celui qui ne vient ni de l’agriculture ni du territoire où il souhaite s’installer. » L’accès au foncier agricole, bien évidemment, est plus difficile, la politique dans ce domaine favorisant la transmission familiale. En outre, de nombreux cédants préfèrent la sécurité apportée par l’agrandissement d’autres fermes que la location, jugée plus hasardeuse, à un jeune non issu du monde agricole ni de la région.

Le financement des installations agricoles hors cadre familial pose également souvent problème, les banques étant frileuses face à ces situations sortant de l’ordinaire. Par ailleurs, ces futurs installés ont plus de mal à s’intégrer, professionnellement et socialement, un frein « souvent sous-estimé alors qu’il impacte tous les aspects du projet à construire », aussi bien fonciers et financiers, qu’en termes de démarches administratives, d’appui technique, d’entraide, d’approvisionnement et de commercialisation. Tous ces points obéissent à « une logique agricolo-agricole, peu accessible aux personnes qui y sont étrangères ».

Au-delà de la compréhension de ces différents obstacles, la Ciap s’est fixée d’après le communiqué diverses missions afin de les lever et de faciliter l’installation de ces nouveaux profils d’agriculteur.

1. « Sécuriser le parcours à l’installation sur des projets créatifs par l’acquisition d’un statut et l’appui d’un réseau dans un cadre collectif.

2. Permettre la professionnalisation des porteurs de projet et leur insertion territoriale.

3. Rendre accessible l’installation agricole à des personnes qui en sont aujourd’hui écartées.

4. Répondre aux demandes des collectivités territoriales, qui souhaitent s’investir dans le soutien d’une agriculture plurielle sur leur territoire, et à celles des cédants sans repreneur qui veulent transmettre leur ferme à un jeune. »

Pour y parvenir, la Coopérative d’installation en agriculture paysanne de Loire-Atlantique a mis en place plusieurs outils. Deux sites permanents en maraîchage bio tout d’abord, avec un accompagnement technique pour que les jeunes (statut de stagiaires avec une rémunération minimum et une protection sociale) puissent se confronter à la production et la commercialisation des produits, en conditions réelles, et en particulier de trouver des canaux de distribution. La Ciap propose aussi un stage de tutorat en immersion professionnelle d’un an, appelé stage paysan créatif, dans la région de sa future installation chez un producteur référent puis sur sa propre structure, assorti d’une formation collective et d’un suivi individuel avec l’aide d’un groupe d’agriculteurs, d’élus et de citoyens (200 h de théorie et 1 600 h de pratique). Lequel permet la plupart du temps de trouver des terres, un logement, des circuits de vente et un réseau d’entraide, et de mieux connaître le tissu professionnel local. Le stagiaire perçoit une indemnité mensuelle de 650 €, versée par la Région ou Pôle emploi.

Elle accompagne également les futurs installés via le portage temporaire de leur activité, et le financement de leur trésorerie et de leurs premiers investissements (plafonnés à 40 000 €), en leur accordant un statut d’entrepreneur-salarié ou en signant un contrat Cape jusqu’à leur installation. C’est-à-dire qu’entre le moment où ils s’installent et celui où la production démarre, elle paye les factures, encaisse le produit des ventes et leur verse une indemnité, tout en les déchargeant des tâches juridiques, administratives, comptables et commerciales. De plus, elle anime un réseau local d’organisations agricoles, d’associations (Terres de Liens entre autres), de collectivités et de paysans œuvrant pour la préservation et la création d’exploitations agricoles, en favorisant notamment « la circulation du foncier et la veille au service de l’installation ». Pour bénéficier de tous ces services, chaque porteur de projet verse à la Ciap une part fixe de 500 € ainsi que 5 % du chiffre d’affaires et 5 % du besoin en financement.

Les résultats sont au rendez-vous. Entre 2012 et 2015, la Coopérative d’installation en agriculture paysanne a accompagné 114 porteurs de projet, dont 80 % n’étaient pas originaires du monde agricole. 80 % également des 90 d’entre eux parvenus au terme de leur stage se sont installés. En trois ans, la Ciap a donc permis 60 installations, dont 70 % avec la DJA (dotation jeune agriculteur), la moitié en élevage et un tiers en maraîchage, dont les 2/3 en bio et beaucoup en circuits courts. Ce qui représente plus de 2 100 ha et 80 emplois.

Des bénéfices moins quantifiables s’ajoutent à ces chiffres encourageants. « L’accès au foncier est facilité par le fait d’être identifié sur le territoire comme futur professionnel qui fait ses preuves au quotidien dans le réseau local, précise la coopérative. Même chose pour le financement. La prise de risque par la Ciap, pour les premiers investissements, est une garantie solide auprès des banques : aucune n’a refusé de financer un projet après un ou deux ans de portage temporaire au sein de notre structure. Les liens créés en amont de l’installation sont un vrai soutien pour le reste de la vie de l’exploitation et contribuent à sa pérennité. »

« Ce dispositif innovant se veut complémentaire du cursus classique de l’installation agricole, conclut le communiqué. Il concerne bien sûr les reprises d’exploitations existantes, mais s’adresse surtout à des projets créatifs, où le jeune ne met pas forcément ses bottes dans les pas du cédant. » Depuis 2015, des Coopératives d’installation en agriculture paysanne ont vu le jour dans les autres départements du Centre-Val de Loire.