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Fourrage

En Dordogne, la coopérative Grasasa déshydrate 8 000 tonnes de luzerne par an


TNC le 27/06/2018 à 06:02
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À Beaumontois-en-Périgord (Dordogne), la coopérative Grasasa déshydrate et granule de la luzerne depuis près de 50 ans. 8 000 tonnes sortent ainsi chaque année des installations du groupe, dont 70 % certifiées bio. Une partie est également séchée en bottes brins entiers selon un procédé innovant importé d’Italie. Visite.

La cheminée a fumé pour la première fois en 1969 et ne s’est pas arrêtée depuis. Les quinze adhérents à l’origine de la création de l’usine de déshydratation Grasasa, en Dordogne, sont aujourd’hui une cinquantaine et vingt-deux personnes y travaillent à temps complet. Au fil du temps, la petite coopérative a su tirer son épingle du jeu : passage à l’énergie bois, diversification vers la fabrication de pellets destinés au chauffage, certification bio en 2004… Une stratégie payante ayant permis de dégager en 2017 un chiffre d’affaires de 4,2 millions d’euros.

Si la production de granulés bois a cette année passé la barre des 16 000 t, la luzerne déshydratée reste toujours au cœur de l’activité de l’usine, avec une production moyenne de près de 8 000 t par an. Cette saison, les chantiers de plaine ont commencé autour du 20 avril avant d’être interrompus par la pluie. « Le calendrier se cale sur la météo, explique Thierry Guérin, président de la coopérative depuis 2002. Nous essayons de démarrer le plus tôt possible et de boucler le premier tour en cinq semaines. Les conditions climatiques ne sont pas toujours favorables ; c’est le cas cette année, les machines sont restées à l’arrêt plus de dix jours. Mais mi-juin nous avions tout de même récolté 90 % des surfaces de la première coupe. »

Sur une année classique, Grasasa coordonne trois tours et demi, parfois quatre. La première coupe représente en conditions climatiques normales 40 % du tonnage, la seconde 30 %, puis 20 % et enfin 10 %. Les adhérents apporteurs doivent s’adapter au débit du sécheur : avec une capacité évaporatoire de 10 000 l/heure, celui-ci peut traiter entre 3 et 7 t à l’heure selon le taux d’humidité du produit entrant, soit un débit maximum de 150 t par jour de produit fini. Côté organisation, les producteurs sont tous situés dans un rayon de 20 à 25 kilomètres autour de la structure. Encouragés à constituer des îlots entre voisins pour organiser au mieux les chantiers et minimiser les coûts de transport, ils doivent respecter un cahier des charges commun : accès aux parcelles, cultures propres, absence de pierres, etc. Un contrat garantit à l’usine la totalité des coupes, contre un engagement à toutes les acheter. Prix payé au producteur, entre 50 et 80 € la tonne de produit sec. « Les tarifs varient selon un ensemble de critères. Entre autres, bio, conventionnel, valeur protéines et rendement, détaille Thierry Guérin. En bio, si le taux de protéines est bon on se situe plutôt sur le haut de la fourchette. »

Le bio, une opportunité vers laquelle Grasasa s’est tournée en 2004 : « La filière luzerne traversait des difficultés, pointe son président. Le découplage des aides européennes diminuait l’attractivité économique de la luzerne conventionnelle par rapport à d’autres cultures dans les années 2000 et au début des années 2010. Nous avons fait le choix d’accompagner la montée en puissance économique du bio. » Une stratégie qui permet aujourd’hui de sécuriser la rotation sur les exploitations certifiées AB du secteur tout en répondant à la demande croissante de protéines non OGM bio. « Nous sommes toujours mixtes, mais de plus en plus de nos apporteurs se convertissent. Nous allons bientôt dépasser les 70 % des volumes certifiés. C’est une vraie chance d’avoir à proximité un outil de déshydratation permettant de valoriser une tête d’assolement indispensable pour des producteurs bio », reprend Thierry Guérin.

La première coupe – souvent moins propre que les suivantes en bio, est essentiellement valorisée en granulés. Après avoir été mi-fanée (« Tout ce que le soleil enlève d’eau, c’est de l’énergie en moins pour sécher », aime à rappeler Thierry Guérin), la luzerne est récoltée à l’ensileuse ; celle-ci est ensuite déshydratée selon un procédé classique : insufflée dans un tube chauffée par flamme directe, la plante ressort à 8 % d’humidité avant d’être extrudée. Grasasa commercialise deux types de granulés conventionnels, baptisés sobrement « luzerne 17 et luzerne 18 », respectivement plus riche en cellulose et en protéines, et une gamme bio.

La production des bottes brins longs (environ 1 000 t/an) s’effectue selon un process différent, issu d’une expérimentation menée avec FranceAgriMer en 2011. « Nous sommes allés copier un procédé italien consistant à travailler de la luzerne comme on ferait de la paille : fauchage, préfanage, mise en botte au champ, transport des bottes mi-fanées dans un séchoir où une soufflerie d’air chaud à fort pouvoir de dessication passe en force à travers la botte. » Plus économe en énergie et moins chère à mettre en œuvre, cette technique préserve l’intégralité de la plante, garantissant ainsi un apport en fibres de qualité. Taux d’humidité du produit fini : 15 %. La méthode est toutefois plus dépendante des conditions météo et convient mieux en 3e et 4e coupe. En effet, les bottes doivent en outre être quasiment dépourvues d’adventices, celles-ci étant évidemment plus visibles que dans un granulé. « Obtenir le niveau de pureté nécessaire est difficile en 1ère coupe sur une luzerne bio, pointe Thierry Guérin. Les bottes sont des produits chers, vendus environ 300 €/t dans des zones fromagères comme le Pays Basque ou l’Aveyron. La qualité doit être parfaite. » Les bottes sont disponibles en conventionnel et en bio.