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Réforme de la Pac

La subsidiarité et la faiblesse des soutiens au revenu au cœur du mécontentement


TNC le 28/06/2018 à 18:12
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Les propositions de la Commission européenne sur l'avenir de la politique agricole commune n'en finissent pas de faire réagir les agriculteurs. Pour beaucoup, ce plan ne se donne pas les moyens de son ambition.

« Le doute s’installe dans nos campagnes ». C’est par ces mots que le président des Chambres d’agriculture, Claude Cochonneau, a introduit le débat sur l’avenir de la politique agricole commune, co-organisé mercredi 27 juin 2018 par l’Afja, l’association française des journalistes agricoles, et l’APCA.

Et pour cause : depuis la publication le 1er juin, par la Commission européenne, de la proposition législative pour la réforme de la Pac, le monde agricole ne décolère pas. Ce plan prévoit en effet une baisse de 5 % en prix constant du budget de la Pac. « Entre 2020 et 2027, la valeur de l’aide directe pourrait diminuer de 15 % », avertit Luc Vernet, co-fondateur du think tank Farm Europe.

Pour la Commission européenne, cette baisse est indispensable pour corriger les effets du Brexit. « Nous sommes dans un cadre budgétaire restreint », justifie Pierre Bascou, directeur de la direction « Durabilité et aide au revenu » à la DG Agriculture de la Commission européenne.

« La baisse atteint 43 milliards, dont seulement 18,5 milliards sont imputables à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne », fait cependant remarquer Luc Vernet. Dans un contexte de crise économique du secteur, la baisse du budget inquiète. « Les aides directes aujourd’hui représentent 46 % du revenu agricole en Europe », s’alarme-t-il.

Pour compenser cette diminution du budget, la Commission veut « améliorer l’efficacité » des aides, grâce à une « simplification » et un « meilleur ciblage » de celles-ci. En parallèle de cette réforme, elle souhaite également « travailler sur une meilleure répartition de la valeur ajoutée vers les agriculteurs, afin qu’ils puissent vivre du marché », indique Pierre Bascou. « Je ne crois pas que pour qu’un texte soit efficace, il faut qu’il soit simple. Nous avons surtout besoin d’un cap commun », regrette Luc Vernet.

L’exécutif européen veut par ailleurs permettre à l’agriculture européenne d’investir dans la transition écologique afin, notamment, de lui « donner accès à de nouveaux marchés », et « d’assurer la durabilité » de la terre, facteur essentiel de performance économique. Pour cela, 40 % des fonds Pac devront être consacrés aux objectifs de lutte contre le changement climatique.

Par ailleurs, les États membres pourront transférer 15 % du pilier 1 (paiements directs) au pilier 2 (développement rural) pour les dépenses relatives aux mesures climatiques et environnementales

« La question environnementale est très importante. Mais s’il n’y a aucune mesure de soutien au revenu ou de soutien aux prix, les exploitations resteront en mauvaise santé financière et il sera donc très difficile pour elles de s’investir dans cette transition », regrette cependant Luc Servant, président de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime.

Autre inquiétude du secteur : la subsidiarité laissée par Bruxelles aux États membres. La Commission veut en effet donner plus de marges de manœuvre aux États dans l’allocation des ressources, mais également dans la mise en place de la politique environnementale, économique et sociale, notamment via les « plans stratégiques ».

« Nous craignons fortement des effets de distorsion importants entre les États membres », s’inquiète Christophe Hillairet, président de la Chambre d’agriculture d’Ile-de-France et élu référent sur les questions européennes et internationales à l’APCA. Une vision partagée par Jean-Baptiste Moreau, agriculteur, député LREM, et rapporteur de la loi Alimentation à l’Assemblée Nationale. « Nous ne voulons pas de plans stratégiques différents pour chaque pays. L’ensemble des États européens doit aller dans la même direction », précise-t-il.

La Commission se refuse cependant à évoquer une « renationalisation », et préfère parler d’une « meilleure allocation des ressources ». « Cela n’a aucun sens de tout décider depuis Bruxelles. Il s’agit simplement de redonner de la flexibilité aux États pour décliner au mieux, l’aide selon les besoins de chaque territoire », précise Pierre Bascou.

Autre point d’achoppement : le calendrier. La Commission souhaite finaliser le projet avant les élections européennes de 2019. « Si nous n’y parvenons pas, nous allons perdre encore un an ou deux », s’inquiète ainsi Pierre Bascou.

Un objectif qui choque. « Je dis au gouvernement de prendre son temps, mieux vaut perdre un an que de bâcler cette réforme », insiste Jean-Baptiste Moreau. « Je m’inquiète des réactions sur le terrain si un projet comme celui-ci est adopté juste avant les élections européennes. Cela serait un très mauvais signal, contre-productif pour les agriculteurs mais également pour l’Europe», alerte également Christophe Hillairet.