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Aquaculture

Une activité attendue au tournant pour nourrir la planète


AFP le 10/07/2018 à 09:08

Les poissons d'élevage vont encore gagner de la place dans les assiettes au détriment des poissons de la pêche dans les prochaines années, selon un rapport biennal de l'agence des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Cette ressource devrait contribuer à répondre à la demande et à lutter contre la faim dans le monde, espère la FAO. La production de poissons, toutes origines confondues, s’est élevée à 171 millions de tonnes en 2016, et l’aquaculture a représenté près de 53 % du poisson consommé par l’homme. « Avec des captures de pêche relativement stables depuis la fin des années 1980, l’aquaculture a assuré à elle seule la croissance impressionnante de l’offre de poisson pour la consommation humaine », soulignent les auteurs du rapport. Entre 1961 et 2016, l’augmentation annuelle de la consommation de poissons par l’homme a excédé l’augmentation de la population elle-même (+ 3,2 % contre + 1,6 %), surpassant également l’augmentation de la consommation de viande (+ 2,8 %).

La consommation annuelle par habitant de la planète est passée de 9 kilos en 1961 à 20,2 kilos en 2015. Elle atteindrait respectivement autour de 20,3 kilos en 2016 et 20,5 kilos en 2017, selon de premières estimations. L’augmentation de la consommation a été favorisée par l’accroissement de la production et par d’autres facteurs, comme la réduction du gaspillage. « L’aquaculture a connu une croissance spectaculaire ces dernières années », a déclaré à l’AFP Matthias Halwart, du département pêche et aquaculture de la FAO. « Elle va continuer à combler l’écart entre l’offre et la demande mondiale, qui selon nos projections devrait croître de 2 % par an dans les décennies à venir », a-t-il ajouté.

Plusieurs facteurs expliquent cette progression constante de la demande pour les nourritures d’origine aquatique, principalement l’augmentation de la population d’un côté et de l’autre la progression du pouvoir d’achat de certains pays à forte population, comme la Chine par exemple. La FAO prévoit que d’ici 2030, « la production issue de la pêche de capture et de l’aquaculture augmentera pour atteindre les 201 millions de tonnes, soit une hausse de 18 % par rapport au niveau de production actuelle de 171 millions de tonnes». Une hausse imputable presque uniquement à l’aquaculture, dont la croissance pourrait atteindre près de 36 %. « La quantité de poissons capturés dans la nature a plafonné au début des années 90 et est demeurée globalement stable depuis », souligne la FAO.

Selon le rapport, 90,9 millions de tonnes de poissons ont été capturées dans la nature en 2016 – soit 2 millions de moins que l’année dernière, en raison des fluctuations périodiques des populations d’anchois péruviens induites par le phénomène climatique El Niño. Cette très forte croissance de l’aquaculture soulève toutefois des interrogations, notamment sur les conséquences environnementales que pourrait entraîner la croissance de cette production. « Le secteur doit se développer de manière durable et responsable », souligne M. Halwart, qui reconnaît que « c’est un objectif difficile ».

Principal défi pour développer l’aquaculture : « Il faut trouver des alternatives à deux ingrédients principaux de l’alimentation des poissons d’élevage que sont la farine et l’huile de poisson », explique à l’AFP Sandrine Skiba, directrice de recherche à l’Inra, dans l’unité de Saint-Pée-sur-Nivelle (Pyrénées-Atlantiques). Ces matières premières sont fabriquées à partir de la pêche minotière (sardines, anchois), souvent pointée du doigt pour mettre en péril la sécurité alimentaire des populations de pays en voie de développement. Certains fabricants d’aliments ont toutefois réduit la part de farine et d’huile de poisson en incorporant des produits d’origine végétale.

« Selon les producteurs d’aliments, entre 2001 et 2011, chez la truite, on est passé de 35 % de farine de poisson dans l’aliment à 10. Pour l’huile de poisson, on est passé de 15 à 10 % », indique-t-elle à l’AFP. « Lorsqu’on a essayé de faire une substitution complète avec des végétaux, on s’est aperçu que ça ne marchait pas », ajoute-t-elle toutefois, soulignant que la croissance des poissons prend beaucoup plus de temps et que l’on perdait les apports en oméga 3, principal intérêt du poisson pour la santé humaine. Des pistes alternatives au 100 % végétal sont actuellement explorées, comme les insectes d’élevage et les levures, sources protéiques importantes, ainsi que les micro-algues, à l’origine de la chaine alimentaire du poisson.