Accéder au contenu principal
Reportage

La graine du « coworking agricole » se développe à la Ferme du 100e singe


AFP le 14/08/2018 à 13:44

A mi-chemin entre ville et campagne toulousaine, l'incubateur agricole « Le 100e singe » permet aux agriculteurs fraîchement reconvertis de se faire la main verte en limitant leur prise de risques, grâce à l'économie de partage.

Au milieu de ses tomates, poivrons, aubergines et autres senteurs de saison, Sacha Danjou apprend le métier de chef d’exploitation. En pleine reconversion, l’ancien ingénieur en aéronautique a choisi le « coworking agricole » proposé par La ferme du 100e singe de Belberaud, à seulement 30 min de Toulouse, pour se lancer.

« Être agriculteur, c’est un monde à part entière qui touche à énormément de domaines différents : biologie, organisation, comptabilité », explique le jeune homme de 25 ans, « et quand on n’est pas né dedans, c’est très difficile ».

Ici, pour la somme d’environ 300 euros par mois, il dispose d’une parcelle test de 5 000 m2, de l’arrivée d’eau et d’électricité, mais aussi et surtout d’engins en libre-partage. Tracteurs, motoculteurs : rien que le gros outillage coûterait près de 40 000 euros d’investissements. Avec l’achat du terrain, « il est là, le risque, quand tu te lances ». « Tu achètes, t’as de grosses charges, tu dois générer un certain chiffre d’affaires dès la première année, t’as pas le droit de te louper », égrène-t-il, les mains pleines de terre. « Sans expérience, c’est effrayant ».

« En mutualisant les espaces, les compétences et les outils, on peut minimiser cette prise de risque », explique Amandine Largeaud, 39 ans, à l’initiative de ce « coworking agricole ».

L’expression titille l’oreille, surprend, mais pour elle, « c’est comme le coworking de bureau, en fait. On a une mutualisation des espaces et des outils, tout simplement ». En 2016, après plusieurs années dans l’économie solidaire, elle lance avec onze autres personnes « la ferme du 100e singe », en référence à la théorie selon laquelle, si un singe adopte un comportement, à partir du 100e singe qui l’adopte, cela deviendra acquis. Installée dans une vieille ferme lauragaise de XIXe siècle, au milieu de cinq hectares, son association – bientôt structurée en Société coopérative d’intérêts collectifs (SCIC) – promeut une agriculture « plus sobre, plus durable », adaptée à de petites parcelles.

Micro-ferme, maraîchers, aquaponie, élevage d’escargots : les six projets sélectionnés pour un an – renouvelable deux fois – émanent tous d’une personne en Contrat d’appui au projet d’entreprise (Cape). Officiellement reconnus en reconversion professionnelle, ils continuent de percevoir le chômage ou le RSA.

Au moment de lancer cette ferme faite de briques et poutres anciennes, Amandine avait remarqué que beaucoup « de salariés en perte de sens choisissent de se reconvertir dans le domaine agricole ». Sacha abonde dans ce sens : « Je voulais un travail qui me satisfasse, avec un pouvoir décisionnaire, loin d’une hiérarchie complètement gargantuesque. Je voulais voir le fruit de mon travail ». Mais « le modèle agricole français a été pensé pour la transmission familiale des terres et des compétences », constate Amandine, et « pas pour ces nouveaux profils, qui ont besoin d’être formés, accompagnés, soutenus ».

C’est pourquoi la structure, véritable incubateur agricole, propose aussi un portage juridique, des formations et un accompagnement personnalisé. « Quand on veut s’installer, on ne se rend vraiment pas compte de toutes les démarches administratives et de ce qu’il faut connaître en termes d’institutions », explique Sacha, « Et ça s’apprend pas du jour au lendemain ».

Pour se lancer, le 100e singe avait fait appel au crowdfunding. Désormais, la structure se finance grâce à la location de salles pour des formations, du mécénat et des subventions départementales. Ce modèle de coworking agricole semble déjà trouver ses adeptes : plus d’une vingtaine de candidats ont demandé une place dans l’incubateur toulousain. Amandine confie accompagner d’autres personnes voulant créer des lieux similaires en Ile-de-France ou en Côte d’Azur, « heureuse » que le concept se répande.