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Portrait

Loïc Guines, un dirigeant bio qui ne condamne pas les produits chimiques


AFP le 10/09/2018 à 19:14

Président de la FDSEA en Ille-et-Vilaine, Loïc Guines a commencé au printemps sa conversion au bio. « Pas sectaire », il refuse cependant de mettre tous les produits chimiques « à la poubelle ».

« Une question de rentabilité » : avec Loïc Guines, éleveur laitier de 55 ans à Saint-Marc-sur-Couesnon (Ille-et-Vilaine), il n’y a pas de faux-semblant. S’il est passé au bio, ce n’est pas par conviction écologique, mais par souci économique. « Il y a encore cinq ans, je disais : passer en bio, moi jamais ! », raconte-t-il, devant sa ferme au cœur de la verdoyante vallée du Couesnon, avec ses versants boisés et ses prairies inondables.

Le virage ne date pourtant pas du printemps dernier. C’est il y a vingt ans qu’avec son frère Jean-Philippe, 47 ans, ils ont « changé leur fusil d’épaule », en adoptant un système de production moins intensif.

Installés sur de mauvaises terres, ils ont réduit les surfaces de maïs pour nourrir leur centaine de vaches prim’Holsteins essentiellement à base d’herbes, comme la luzerne ou le trèfle violet. Progressivement, plus grand-chose ne les séparait de l’agriculture bio. Jean-Philippe était prêt à sauter le pas il y a deux ans. Mais, plus prudent, Loïc Guines voulait conserver les quelques « béquilles artificielles » de l’agriculture conventionnelle. Finalement, « on s’est dit qu’on ferait mieux d’aller dans le bio, parce qu’on respecte pratiquement tout le cahier des charges, mais on n’a pas la rémunération », dit-il, bottes aux pieds, en sortant de la traite.

L’écart de prix entre le lait bio et le conventionnel avoisine les 120 euros la tonne de lait, de quoi compenser largement la perte de rendement attendue.

Armand Guines, 81 ans, n’a pas encouragé ses fils dans cette voie, lui qui a connu les mauvaises récoltes de l’après-guerre, puis le développement des premiers engrais chimiques et autres produits phytosanitaires, qui lui ont sauvé de nombreuses récoltes. « Au début, c’était un peu raide pour lui », reconnaît Loïc Guines. Avec le bio, « il s’est dit : là, ils sont fous ! », ajoute celui qui est depuis 2012 responsable départemental de la FNSEA. 

La FNSEA compte aujourd’hui environ 10 % d’agriculteurs bio au sein de ses 212 000 adhérents, selon son vice-président Étienne Gangneron, lui-même passé au bio il y a 22 ans. « C’est bien d’avoir un président bio en Bretagne, car c’est une région qui a été très critiquée par rapport à son agriculture intensive, à son productivisme », se félicite Etienne Gangneron.

Cette conversion fait quand même grincer quelques dents chez les écologistes. René Louail, ancien conseiller régional EELV et membre de la Confédération paysanne, y voit le signe d’un « double discours ». « Ce sont les mêmes qui nous ont flingués pendant 40 ans. Ils ont condamné tout ceux qui faisaient une agriculture différente du système intensif », déplore-t-il.

Loïc Guines, qui vend son lait à Agrial, l’un des principaux groupes coopératifs agricoles français, assume ce qui peut ressembler à un grand écart pour certains. « Je ne peux pas aujourd’hui dire : tout le conventionnel est à jeter aux orties », dit l’éleveur, qui se revendique « ouvert, pragmatique », « pas sectaire ». « Il ne faut pas mettre tout le chimique à la poubelle », poursuit-il. « Les produits phytosanitaires, c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique. »

Tête de liste de la FNSEA aux élections à la Chambre d’agriculture, avec quatre agriculteurs bio en colistiers, ce père de trois filles pense même pouvoir susciter quelques vocations. « Les collègues, ils vont plus me croire moi, que le gars borné bio », dit-il.