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Installation et transmission en élevage

Mieux appréhender les freins pour proposer des solutions


TNC le 09/10/2018 à 06:36
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L'Institut de l'élevage idele a mené une étude sur les freins à l'installation et à la transmission en élevage de ruminants afin de repérer les principales difficultés pour les jeunes qui veulent devenir éleveurs et voir comment on peut les lever.

Sans surprise, l’accès au foncier est le premier obstacle qui ressort de l’analyse sur les freins à l’installation et à la transmission en élevage de ruminants, conduite par l’Institut de l’élevage idele avec Inosys-Réseaux d’élevage et des conseillers installation/transmission de différentes régions françaises. « La pression foncière est à la fois extérieure au secteur agricole, car liée à la concurrence avec d’autres activités consommatrices de foncier telles que l’urbanisation ou le tourisme, et intra-agricole en raison de l’agrandissement des exploitations », précise l’étude.

Le foncier, le frein n°1

Autre élément défavorable : l’augmentation des prix des terres et des fermages avec, en parallèle, l’extension de la pratique illégale du pas de porte. En outre, les propriétaires estiment que ce mode de faire-valoir est trop avantageux pour les preneurs et sont de moins en moins enclins à louer leurs terres sous ce statut.

De plus, une certaine forme de « rétention foncière » peut se manifester pour diverses raisons : « la constitution d’un complément de revenu (pluriactivité) ou de retraite, le souhait de ne pas mettre à disposition le patrimoine familial et, en zones défavorisées, la déprise agricole (faible valeur de la terre), la suppression des limites d’âge pour l’ICHN (indemnité compensatoire des handicaps naturels), ainsi que la convergence et la revalorisation des DPB (droits au paiement de base) en zones défavorisées ». Tous ces freins fonciers pénalisent bien évidemment davantage les jeunes s’installant hors cadre familial (HCF).

Coût élevé et viabilité incertaine des reprises

Deuxième facteur limitant mis en avant, lui aussi peu surprenant : le coût élevé des reprises avec, là encore, des incidences plus marquées en hors cadre familial. Les fermes sont en effet de plus en plus grandes et les cédants ont tendance à surestimer la valeur patrimoniale de leur capital ou à investir plus que nécessaire en fin de carrière. Lorsqu’on s’installe en société, les comptes associés peuvent également peser lourd. Par ailleurs, des tensions familiales peuvent venir s’ajouter quant au choix du repreneur ou aux conditions qui lui sont accordées pour faciliter la reprise.

La viabilité des projets est aussi souvent incertaine, les élevages à céder ne dégageant pas suffisamment de résultats pour pouvoir à la fois développer et moderniser l’atelier et effectuer des prélèvements privés. « Il y a une incohérence croissante entre le capital et le revenu », souligne l’Institut de l’élevage. D’autant que l’installation, « le développement de l’outil de production et/ou sa modernisation sont généralement simultanés », ce qui augmente le niveau d’endettement des jeunes agriculteurs. Les prix bas dans de nombreuses productions et la volatilité des marchés ne sont pas non plus très incitatifs et nuisent à la fiabilité des études prévisionnelles. Malgré tout, « la conjoncture a peu d’impact sur la volonté de s’installer, surtout dans le cadre familial », l’envie de se passer le flambeau entre générations restant très forte.

Un métier de moins en moins attractif

Face à ces difficultés économiques, à la faiblesse des prix et de la rémunération, pour des conditions de travail contraignantes (journées et semaines chargées, astreinte horaire, peu de temps libre et de congés, tâches pénibles et répétitives, etc.) et en « décalage croissant avec le statut salarié », pas étonnant que le métier d’éleveur souffre d’un déficit d’image et d’un manque d’attractivité, même au sein du monde agricole.

Un handicap auquel se greffent plusieurs limites de type social : le désir du cédant de garder l’exploitation dans la famille et de continuer à vivre dans la maison de la ferme après son départ en retraite, ce qui ne favorise pas l’intégration des jeunes qui s’installent hors cadre familial. Ces derniers préfèrent, de surcroît, les structures individuelles aux sociétés alors que « les Répertoires départ installation (RDI) regorgent d’offres sociétaires ». « D’où un problème de concordance entre l’offre et la demande », constate l’idele. La « vivabilité » du projet est, dans certains cas, remise en cause par la charge de travail qui s’alourdit dans des ateliers de plus en plus gros et qui, conjuguée aux soucis financiers, « fragilise les cellules familiales ». Les candidats montrent également des réticences à venir dans des régions où il y a peu de fermes ou peu de possibilité d’emploi pour les conjoints.

Affaiblissement du dispositif d’aide à l’installation

Coût important des reprises, prix faibles… alors qu’il devient très compliqué économiquement de reprendre ou de transmettre une exploitation, a fortiori d’élevage, le dispositif d’aide à l’installation s’est affaibli notablement au détriment en particulier des filières « classiques » et de la prise de risque, moins bien intégrée : montant de la Dotation jeune agriculteur (DJA) et enveloppe de bonification sans rapport avec les sommes investies, réduction des budgets territoriaux, aide au démarrage versée en retard, suppression d’avantages connexes, etc. « Le système actuel est calé sur des objectifs économiques et n’est pas adapté à certaines situations comme les reconversions professionnelles, les installations progressives ou constituant un véritable projet de vie », pointe l’étude.  

Les banques sont très frileuses

Le soutien des banques n’est pas, lui non plus, garanti. Elles sont très frileuses lorsqu’il s’agit de financer la trésorerie ou des projets qui sortent un peu des sentiers battus, ou dont la rentabilité n’est pas assurée à 100 %. C’est d’autant plus pénalisant que les capacités d’autofinancement des candidats à l’installation et leurs garanties bancaires (le foncier reste malheureusement indéniablement une valeur sûre pour les banques) sont en général limitées, et qu’ils ne sont pas très habitués à négocier avec les banques. De plus, « la durée des prêts n’est pas adaptée, note l’Institut de l’élevage. Dans une reprise, on globalise et on emprunte sur des durées équivalentes des biens à durées de vie très différentes : cheptel, matériel, bâtiment, foncier… » Par ailleurs, tous les investissements ne sont pas finançables par les prêts JA, comme les machines et outils d’occasion par exemple. 

Un parcours à l’installation long et complexe

Enfin, le parcours à l’installation lui-même est long, lourd, coûteux (conseil, frais de dossier, etc.), complexe et manque de souplesse. « Le nombre d’intervenants, de démarches et d’études à réaliser » est énorme avec « beaucoup de doublons et une valorisation » non optimale. Signalons toutefois que les HCF sont moins critiques que les jeunes qui reprennent la ferme familiale. Il est également intéressant de remarquer que les candidats à l’installation ne s’approprient pas assez leur projet, « davantage porté » par les conseillers, sans doute parce qu’ils n’ont pas suffisamment « la mentalité d’un chef d’entreprise ».

Des solutions pour faciliter l’accès au foncier et le financement de l’installation

Toutefois, l’Institut de l’élevage idele ne veut pas s’arrêter sur des constats, aussi détaillés et analysés soient-ils. L’organisme propose, dans son étude, plusieurs pistes pour tenter de lever certains des freins identifiés à l’installation et à la transmission des élevages. Concernant le foncier, il suggère de « multiplier les procédures de recours contre les pas de porte et les préemptions pour la révision des prix des terres, de renforcer le contrôle des structures, de mettre en place des zones agricoles protégées, de réquisitionner et mettre en valeur les terrains non ou sous-exploités et d’attribuer des aides à l’unité de main-d’oeuvre et non à l’hectare ». Au niveau économique, il prône une méthode commune d’évaluation de la valeur de reprise des exploitations et des « études prévisionnelles plus approfondies ». Il insiste aussi sur l’importance d’inciter les cédants à améliorer « la transmissibilité de leur outil ». 

L’idele exhorte à « oser de nouvelles formes », c’est-à-dire davantage d’installations en société ou de détention de foncier en copropriété, de reprises progressives avec une période de salariat ou un système de location-vente, l’autorisation de la pluriactivité pour les Gaec au moins au début et la possibilité d’activer des parts Pac pour les salariés agricoles. Et pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui se fait dans d’autres domaines d’activité comme la pêche, l’artisanat ou les PME ? Quant à la valeur de reprise, l’institut préconise entre autres « de l’ajuster aux aléas de prix afin de partager le risque avec le cédant ». Question financement enfin, il recommande de mutualiser le cautionnement bancaire ou de créer des sociétés de garantie bancaire, de mettre les durées des prêts en adéquation avec les biens financés, de pouvoir modifier les annuités en fonction de la conjoncture et de prévoir une réserve d’endettement. Il importe en parallèle de « trouver d’autres formes de portage du capital et d’autres sources de financement : participatif, coopératif, actionnariat », conclut l’étude.