Accéder au contenu principal
Cultures marines

Une étude décrypte la surmortalité des huîtres juvéniles


AFP le 11/10/2018 à 14:43

Une attaque virale puis une prolifération de bactéries : ce scénario conduit aux épisodes de surmortalité des huîtres juvéniles enregistrés depuis une dizaine d'années, ont découvert des chercheurs dans une étude parue jeudi dans Nature communications.

Depuis 2008, la filière ostréicole enregistre d’importants taux de mortalité chez les naissains (larves) et les juvéniles (jeunes huîtres). En France, jusqu’à 75 % des jeunes huîtres ont été perdues certaines années. Cette épizootie concerne l’ensemble des zones ostréicoles françaises, « mais aussi d’autres pays d’Europe (Irlande, Espagne, Italie, Angleterre) et d’autres pays d’autres continents (Chine, Australie, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud) », explique à l’AFP Guillaume Mitta de l’université de Perpignan via Domitia, qui a participé à cette étude menée conjointement avec l’Ifremer, le CNRS et l’université de Montpellier.

Tous les pays cultivant l’huître du Pacifique, première espèce d’huîtres exploitée dans le monde, sont touchés. La maladie s’attaque aux huîtres d’élevage et sauvages et en particulier aux jeunes. Jusqu’à présent, des études pointaient du doigt un certain nombre d’agents pathogènes potentiels : l’herpès virus OsHV-1 et des bactéries du genre vibrio, explique le scientifique. « Notre étude a démontré la nature polymicrobienne de cette maladie », poursuit-il.

Dans un premier temps, le virus s’introduit dans l’huître juvénile et s’y développe en 24 à 48 heures, selon un communiqué. Alors que les défenses de l’huître sont affaiblies, des bactéries pathogènes prolifèrent dans l’animal, entraînant sa mort dès 68 heures après l’infection virale. Pour comprendre l’intégralité du processus, les scientifiques ont étudié des familles d’huîtres résistantes « issues de parents ayant déjà survécu à la maladie, et des familles sensibles, issues de parents n’y ayant jamais été exposés », selon le communiqué. Ils ont découvert que « les huîtres résistantes, contrairement aux sensibles, parviennent à juguler l’infection virale dans leurs tissus, en réduisant la réplication du virus ». « Elles connaissent peu ou pas de réplication virale et pas non plus de flambée bactérienne comme chez les huîtres sensibles », selon le communiqué.

Lutter contre la surmortalité

À l’inverse, les huîtres sensibles « développent bien une réponse antivirale forte, mais trop tardive ». « Quand le virus a commencé à se répliquer, l’huître ne peut plus lutter. » Cette faiblesse s’explique aussi par l’inhibition de l’apoptose, un processus de défense naturel qui conduit normalement une cellule à s’auto-détruire quand elle est infectée.

Comment contrer la surmortalité des huîtres juvéniles ?

« L’étape préalable à la mise en place de solutions pour lutter contre un phénomène est de le comprendre », ce qui vient d’être fait, répond Guillaume Mitta. À présent que le rôle crucial joué par le virus a été décrypté, « il sera nécessaire de développer des mesures qui permettront de limiter le développement viral » chez les huîtres, cultivées en milieu naturel.

Autres facteurs à prendre en compte dans les méthodes de culture, le fait que la réplication intense du virus se produise dans des eaux comprises entre 16 et 24 °C et qu’« elle décroît au fur et à mesure que l’huître avance en âge », indique-t-il. La sélection génétique peut être une piste pour lutter contre l’épizootie, mais « elle ne peut pas être la seule réponse », selon le scientifique. Il est possible de développer des familles d’huîtres résistantes à la maladie mais « une famille d’huîtres résistante à un instant peut devenir sensible car le pathogène peut évoluer » et d’autres facteurs pathogènes peuvent émerger, explique le scientifique. « Il sera donc nécessaire de conserver un niveau de diversité génétique suffisant pour pallier ces évolutions et ces émergences potentielles », fait-il savoir.