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Agroalimentaire

Réforme des dates de péremption, une solution pour lutter contre le gaspillage ?


AFP le 12/10/2018 à 11:02

Les dates de péremption, mises en place pour prévenir tout risque sanitaire, suscitent la confusion chez certains consommateurs au point de contribuer à 20 % du gaspillage dans les foyers, et certains appellent à les réformer.

« À consommer de préférence avant » (date de durabilité minimale, DDM), « à consommer jusqu’au » (date limite de consommation, DLC) : ces formulations ne sont-elles pas dépassées, s’interroge Rose Boursier-Wyler, de l’application mobile « Too Good To Go » ? Cette appli anti-gaspillage, qui vise à « sauver » à prix réduit des repas qui seraient sinon jetés à la poubelle, a décidé de s’attaquer au problème de la « crédibilité » et de la « légitimité » de ces mentions, règlementées au niveau européen. Une pétition, intitulée #ChangeTaDate, vient d’être lancée à destination des industriels et des distributeurs pour « qu’ils clarifient leurs dates de péremption », explique sa fondatrice, Lucie Basch.

Alors que la France célèbrera mardi la 5e journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire, « Too Good to Go » organisait jeudi à Paris une table-ronde avec différents acteurs de la chaîne alimentaire. Avec pour objectif d’écrire une « feuille de route » pour le gouvernement qui doit, dans le cadre de la loi Alimentation votée dernièrement, publier un rapport dans un an sur l’harmonisation de ces dates.

Dans les années 1950-1960, les intoxications alimentaires font encore des milliers de morts en France : dès que le pays « retrouve son autosuffisance alimentaire», explique Jean-Charles Catteau, consultant indépendant, l’État décide de réglementer. Malgré la levée de boucliers des industriels de l’agro-alimentaire, les dates de péremption sont appliquées en 1984… et parfois apposées sur des produits non-périssables !

Consommateur « conditionné » 

Mais « le consommateur est tellement conditionné par ces dates » qu’il finit par être « piégé » et ne fait plus appel au bon sens pour savoir si un produit est périmé ou pas, estime Jean-Charles Catteau, pour qui il faut « les repenser ». Un avis rendu par la Commission européenne en 2011 avait évalué à 20 % le gaspillage alimentaire des foyers dû à une mauvaise compréhension de ces dates.

Concrètement, comment sont-elles définies ? « Dans nos laboratoires, nous faisons des tests de vieillissement accéléré pour voir comment le produit se comporte », explique Claire Meunier, de chez Coca-Cola, en tenant compte de trois critères : la dimension sanitaire (absence de bactéries), la qualité (le goût) et les propriétés intrinsèques (vitamines, minéraux). Mais « pourquoi certains produits sont-ils en DDM et d’autres en DLC ? Pourquoi, quand on mange un yaourt après la date, n’est-on pas malade ? », interroge Anne Legentil, pour l’association Familles rurales. Loin d’être supprimées, ces dates doivent apporter « une véritable information » aux consommateurs, dit-elle. D’où l’idée de les simplifier et d’utiliser la traduction de l’anglais « best before » (meilleur avant), comme le préconise également Carrefour qui, dès 2014, a modifié ou supprimé les dates de consommation de 500 de ses produits à marque propre (MDD).

« Recréer de la valeur »

Par exemple, « on a allongé la DLC de cinq à dix jours sur certains produits frais ou d’épicerie, tel le yaourt qui est passé de 23 à 30 jours, et enlevé la DDM sur d’autres», comme le vinaigre, le sel ou le sucre, explique Bertrand Swiderski, directeur RSE du groupe. Et qu’on ne dise pas à ce cadre dans la distribution que l’allongement des dates de péremption réduit « la rotation des produits » : « c’est un faux problème », réplique-t-il. « Allonger les dates de péremption, c’est lutter contre le gaspillage, c’est recréer de la valeur tout au long de la chaîne alimentaire », estime-t-il. Autre piste de réflexion: que faire d’un aliment une fois ouvert? « Qui se souvient de quand il a ouvert son pot de sauce tomate avant de le mettre au frigo?», lance Anne Legentil, qui milite pour que les industriels « laissent un espace sur l’étiquette pour que le consommateur y écrive » la date d’ouverture du produit. Mais «ceci a un coût d’amortissement qui se répercutera forcément à un moment ou un autre dans la chaîne alimentaire», souligne Jean-Charles Catteau. De toutes les façons, conclut Anne Legentil, « ce combat ne se fera qu’au niveau des citoyens ».