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Robotique agricole

Pourquoi les robots ne sont pas encore dans nos champs ?


TNC le 29/10/2018 à 06:05
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Comme en élevage il y a quelques années, la robotique arrive aussi dans nos parcelles. Si le concept n’est pas encore entièrement finalisé, des modèles de robots sont déjà commercialisés en nombre réduit. Quels sont les freins au développement plus poussé de la robotique ? Un céréalier et un viticulteur nous expliquent leur point de vue sur la question.

C’est au Sima 1989 que le premier robot de traite fait son apparition au stade de prototype en France. La première installation dans une exploitation remonte à 1995. En 2000, 40 robots étaient installés en France, 450 en 2006, 2 400 en 2010, puis 4 800 en 2016… En 20 ans, la technologie est passée de confidentielle à très répandue puisque une installation sur deux est maintenant un robot.

Des technologies en fin de maturation et de normalisation

Pour les robots de pleins champs, les technologies de positionnement permettent aujourd’hui de répondre de manière plutôt satisfaisante aux problématiques de sécurité. Les capacités de calcul peuvent venir à bout de l’hétérogénéité intra-parcellaire. Mais les algorithmes sont encore en phase d’essais.

De nombreux fabricants proposent des prototypes ou robots de pré-série de quelques dizaines d’unités. Le plus souvent il ne s’agit d’ailleurs pas d’une vente seule, mais d’un partenariat visant à finaliser le développement de ces robots. On parle alors de produit en bêta test comme pour les logiciels informatiques avant leur publication.

Une association RobAgri a vu le jour, l’an dernier, pour fédérer les acteurs de ce secteur et notamment influencer l’élaboration des normes en cours.

Un robot doit être rentable

La robotique et les nouvelles technologies s’installent là où il y a une pénurie de main d’œuvre. Pour que le robot soit rentable, il doit libérer le temps de travail humain souvent réaffecté à des tâches moins pénibles et moins répétitives. Pour cette raison, les robots agricoles, hors les murs, arrivent tout d’abord par le maraîchage et la viticulture, là où ils ont la plus forte valeur ajoutée. Mais ils finiront bien par arriver dans les parcelles de céréales comme le montre les avancées d’un robot comme Ecorobotix et son traitement localisé.

Autre exemple, le projet Centéol en partenariat avec Agreenculture et Kuhn près de Sens (Yonne) vise à démontrer qu’un robot peut travailler une parcelle de 50 ha de maïs de manière rentable et plus écologique qu’un itinéraire cultural classique. Mais là encore, nous sommes au stade des tests.

Peu de fabricants peuvent se targuer d’avoir commercialisé plus de 100 robots. Naïo Robotics sur le secteur du maraîchage et de la viticulture, est à ce jour le seul constructeur qui annonce un chiffre de vente de cette ampleur. Leur famille de robots agit principalement sur le désherbage mécanique visant à réduire les intrants. Ils regarderont ensuite sûrement dans la direction des grandes cultures.

Des freins aux changements d’habitudes

La robotique agricole apporte son lot de questions sur le changement d’organisation du travail. Le robot de demain sera-t-il un tracteur de 300 ch sans chauffeur ou un essaim de petits robots légers et polyvalents ? Dans le second cas, il y a fort à parier que les habitudes de travail seront changées plus en profondeur. Pourquoi, par exemple, prévoir des traitements deux à trois fois par an sur toute la parcelle quand un robot veille au grain tous les jours et traite seulement les plants qui en ont besoin ? Et si le tassement du sol  n’était plus une préoccupation ?

La viticulture est plus avancée que la grande culture et pourtant des freins persistent

La réponse de Flavien Nicolas, exploitant viticole à Cairanne (Vaucluse), à la question « pourquoi n’est-il pas équipé d’un robot sur son exploitation ? », est claire. « Nous n’avons pas vu de démonstration de robot sur notre secteur. Je ne suis même pas sûr qu’un robot puisse m’aider à désherber mes parcelles de vigne avec des galets. Ensuite il faudra me prouver qu’un robot est économiquement rentable. Cependant je suis certain qu’un robot doit nous permettre de dégager du temps de travail et de travailler à la protection de l’environnement. »

Ce n’est donc plus aujourd’hui uniquement la nouveauté qui intéresse les utilisateurs. Il faut expliquer les bénéfices de l’innovation et encourager les essais pour basculer vers l’adoption de cette nouvelle technologie.

L’innovation accélère

Avec le raccourcissement du cycle des innovations, on peut espérer voir arriver les robots de grandes cultures plus rapidement que ceux de l’élevage. Toutefois, nous ne sommes encore qu’au stade des prototypes auquel succédera sûrement, comme l’explique Gartner (courbe du Hype de l’innovation technologique), une phase de désillusion avant une installation de ces innovations. Le robot de demain se veut un auxiliaire de l’agriculteur pour lui éviter la pénibilité. Mais pour cela, il doit être rentable et la technologie doit être sûre. De nombreux challenges visant à valider les modèles sont en cours en France, en Allemagne ou aux États unis. Passé ces caps, le robot de grandes cultures sera un élément fort dans les gains de rentabilité, d’organisation de chantier et de protection de l’environnement si les constructeurs arrivent à expliquer les avantages et réalisent des essais !